Avec La Saga de Grimr, Jérémie Moreau nous transporte dans une Islande du XVIIIe siècle où la terre gronde et où les hommes semblent minuscules face à la grandeur des éléments. Mais Grimr, lui, refuse d’être minuscule. C’est un colosse au grand cœur et à la rage indomptable, qui décide de graver son nom dans une société qui ne veut pas de lui. Une épopée visuellement sublime et narrativement poignante, bien que parfois un brin trop contemplative.
Grimr est un héros comme on les aime : à la fois brut, attachant et farouchement libre. Orphelin livré à lui-même, il veut plus que survivre dans une Islande hostile, il veut exister, dans toute la splendeur et la tragédie de ce que cela implique. Sa quête pour devenir "quelqu’un" dans un monde qui valorise la lignée et méprise les marginaux résonne profondément, et ses batailles – contre la nature, les hommes, et lui-même – sont aussi impressionnantes que bouleversantes.
Le récit, construit comme une saga classique, entrelace moments d’introspection, confrontations épiques, et ages plus calmes où l’Islande elle-même devient un personnage à part entière. Jérémie Moreau capture la beauté sauvage de cette terre, avec ses montagnes, ses volcans, et ses tempêtes, et l’intègre harmonieusement dans l’histoire de Grimr. Chaque planche semble respirer le vent glacial et les grondements du sol.
Graphiquement, c’est une merveille. Le style de Moreau, à la fois expressif et évocateur, joue avec les contrastes entre la rudesse des traits et la délicatesse des couleurs aquarellées. Les paysages, parfois grandioses, parfois oppressants, soulignent parfaitement la solitude et la détermination de Grimr. Chaque page est une œuvre d’art en soi, même si cette splendeur visuelle peut parfois ralentir l’action.
Narrativement, l’histoire trouve un bel équilibre entre le mythe et l’humain. La quête de Grimr pour laisser une trace dans le monde est universelle, mais elle est racontée avec une sincérité et une profondeur qui la rendent unique. Cependant, le rythme contemplatif et certains moments introspectifs un peu longs pourraient perdre ceux qui préfèrent des récits plus rythmés ou dynamiques.
Le principal reproche que l’on pourrait adresser à La Saga de Grimr est peut-être son côté un peu trop sérieux. Si le drame et la poésie fonctionnent à merveille, quelques touches d’humour ou de légèreté auraient apporté un contraste bienvenu dans cet univers parfois écrasant.
En résumé, La Saga de Grimr est une fresque majestueuse et émouvante, portée par un héros inoubliable et un style visuel éblouissant. Jérémie Moreau livre ici une œuvre qui célèbre la force de l’individu face à l’adversité, tout en rendant un hommage vibrant à la nature et à la culture islandaises. Un voyage à la fois brutal et sublime, qui vous laissera aussi émerveillé qu’introspectif.