La Qu… Quête ? Question ? Quadrature ? Quouleur ? Quadrichromie… L’Origine, mettant en jeu les codes de la fiction, explorait la notion de personnage : ce deuxième volume, mettant en jeu les codes de sa propre série, abandonne pour quelques pages le noir et blanc « pur » (c’est-à-dire pas de gris) qui faisait sa force. (C’est assez cohérent : dans la Qu…, les jours s’appellent des blancs et les nuits des noirs ; le rêve, entre veille et sommeil, propose un peu de couleur.) Que l’autiste léger qui sommeille en tout lecteur se rassure, les autres repères mis en place par Marc-Antoine Mathieu dans l’Origine ne changent pas : cité surpeuplée, absence de femmes, absence de nature, et même le voisin Hilarion… On retrouve par ailleurs une planche presque identique d’un volume à l’autre (celle où l’anagramme de Kafka se réveille au sortir d’un rêve agité…).
Du reste, la Qu… est riche en allusions littéraires de toutes sortes : j’ai reconnu Perec à la gare, Borges, Buzzati, Kafka et Rimbaud sur la liste des voyageurs – sans compter ceux que ma culture artistique m’a sans doute laissé échapper.
Mais comme le premier, ce deuxième volume tournerait à vide s’il n’était qu’un jeu, et ressemblerait à l’une des ces œuvres d’art pour artistes (romans pour romanciers, films pour cinéastes, disques pour musiciens, tableaux pour peintres…) qui n’ont que leur brio technique et leurs conséquences théoriques à offrir pour sauver le public de l’ennui.
Or, la Qu… propose une véritable aventure, distincte de ses enjeux techniques et qui cependant s’y rattache – je reste persuadé que le titre cache aussi le mot quête. Cette intrigue, qui mêle Kafka (le Procès, le Château) et Buzzati (le Désert des Tartares), voit notre héros malgré lui (« les véritables héros ne choisissent jamais de l’être », pl. 45) exilé loin de la Métropole. Elle constitue une brillante exploitation, à la fois ferme et discrète, du thème de l’inversion, qui est peut-être le vrai motif de la Qu… On se trouve ainsi avec une « anti-chute » qui ouvre le récit, une gare qui se déplace, et une pièce de théâtre dont l’unique acteur, qui ignore son rôle, est assis dans la salle, sous le regard de spectateurs qui la connaissent par cœur et se trouvent sur scène.