Parfois, une saison en montagne peut vite devenir une saison en enfer, n'en déplaise à Rimbaud. Agathe Borin - ou plutôt son alter ego Louise - va rapidement l'apprendre. La citadine décide en effet de tout plaquer pour vivre cinq mois en montagne, accompagnée de son compagnon et de leur fils, qui font la navette entre la plaine et la cime. Gérante d'alpage, elle apprend à s'adapter au rythme de la montagne, à vivre au diapason du troupeau de vaches dont elle a la charge, à ignorer les myriades de cloques qui constellent ses pieds et à se faire au tapage des mulots qui galopent dans la cabane chaque nuit.
La montagne n'est pas une sinécure, et ce mode de vie alternatif semble pour beaucoup être une sorte de suicide social. Agathe Borin le montre magnifiquement dans sa BD, faisant part belle aux planches qui se concentrent sur les retours des amis et de la famille à son choix de vie alternatif. Parfois bienveillants, plus souvent hostiles ou carrément décourageants, le déclassement volontaire n'a pas bonne presse. Et il faut dire qu'entre les multiples conditions du contrats, un salaire peu mirobolant et une somme de responsabilités plutôt écrasante, le projet a de quoi décourager.
Pourtant, si la vie au grand air c'est beaucoup de tracas quotidiens (météorologiques, physiques...), c'est aussi un revigorant bol d'air : exit le stress de la plaine, le brouhaha constant, la course au toujours plus. Il suffit parfois d'un tasse de café bien chaude, d'un soleil levant irradiant le flanc d'une montagne (l'autrice les dépeint plusieurs fois) et la silhouette massive d'un aigle pour qu'une journée soit gagnée.
Bref, vous l'aurez compris, Journal d'alpage est une BD parfaitement atypique dans son sujet, dépeignant avec brio la vie d'estive un peu comme le faisait Louis Hanquet au cinéma avec Un Pasteur. Un trait épuré, alternant autant pleines pages hallucinées que splendides paysages, au profit d'un récit explorant les joies et les doutes de ce choix d'une vie simple. Bref, une BD ionnante, peu bavarde, à retrouver aux Editions Antipodes !