Alors que l’épisode précédent sentait le zombie à plein nez, il se dégage de Deuil & Espoir l’odeur de l’un des piliers des États-Unis (1) : pas l’odeur de leur pétrole, ni de leur hamburgers trop gras, ni d’un triple milk-shake framboise-citron servi dans un de leurs diners, ni de leur gaz de schiste, ni de leur napalm, ni même de la sueur de leur gros Donald.
Non, l’odeur de leur morale. Elle pue. Elle salit tout. Elle s’incruste partout.
Sans rire : quand j’ai eu fini cet album, si un type était venu me parler de l’importance de la famille et de la communauté, je lui aurais roulé dessus en Chevrolet Silverado – marche avant, marche arrière, marche avant, marche arrière, etc. – avant de lui écraser le mégot de ma Lucky Strike dans l’œil. Sans vergogne.
Entendons-nous bien : d’autres épisodes se réfèrent à cette morale. On ne leur demande pas de la remettre en cause – quoique la fin d’Un monde parfait s’en approchât de près –, mais au moins ils l’utilisent comme une toile de fond. Cet album-là l’illustre. Lourdement, car on ne peut pas illustrer avec légèreté ce genre de trucs.
Mais là, tout est centré autour d’une famille et d’une communauté au sens où on entend ces termes dans la société états-unienne de 2011, c’est-à-dire deux notions invoquées à toute gorge et brandies comme des étendards, mais pour lesquelles nul individu ne se sacrifierait sciemment. Elles ne sont que des moyens de valoriser l’individu – plus que les actes qu’il accomplit – et, en fin de compte, de le faire ressortir de la masse. (Oui, ça doit être la version soft power de ce dont parle Brassens dans « Mourir pour des idées ».)
Il y a deux événements notables dans Deuil & Espoir : le réveil de Carl devenu partiellement amnésique, et une tentative de rébellion des « anciens » d’Alexandria. On se doute d’ores et déjà que l’intrigue générale de Walking Dead en réduira considérablement la portée : c’est donc sous l’angle de la morale qu’il faut les envisager, le premier concernant la famille, le second la communauté. Or, tous deux ne font que glorifier Rick, pour sa patience, son dévouement, son amour paternel, son sang-froid, sa magnanimité, occasionnellement sa résistance au sommeil, et même pour son incertitude.
(1) L’autre pilier étant l’esclavage. (Dieu n’a pas d’odeur.)
Critique du volume 14 là.