Avec Ces jours qui disparaissent, Timothé Le Boucher signe une œuvre intrigante et vertigineuse qui explore la fragilité de l’identité et la course effrénée du temps. Une BD à la fois captivante et dérangeante, qui joue avec la perception du lecteur autant qu’avec celle de son héros. Mais si l’expérience est riche, elle laisse parfois une sensation d’inachevé, comme un réveil d’un rêve un peu flou.
L’histoire suit Lubin, un jeune homme aussi insouciant qu’acrobate, qui découvre que chaque jour impair, il cède sa place à… lui-même. Enfin, une version différente de lui, avec d’autres ambitions et une personnalité opposée. S’ensuit un duel silencieux entre deux Lubins, chacun luttant pour exister dans un espace-temps partagé, comme une colocation forcée où personne ne sait vraiment qui paie le loyer.
Lubin est un protagoniste fascinant, oscillant entre désespoir et acceptation face à une situation qu’il ne contrôle pas. Mais c’est dans cette confrontation avec "l’autre Lubin" que l’histoire brille vraiment. Ce double narratif pousse le lecteur à questionner la notion de continuité et de contrôle sur sa propre vie. Mais parfois, les motivations des deux versions manquent d’un peu de nuance, ce qui affaiblit la tension dramatique.
Visuellement, Timothé Le Boucher livre une œuvre d’une grande élégance. Son trait fin et ses compositions précises capturent à la fois la légèreté des moments de vie et la lourdeur des dilemmes existentiels. Les transitions entre les jours et les "disparitions" sont particulièrement réussies, traduisant avec brio la fragmentation du temps. Toutefois, cette perfection visuelle donne parfois une impression un peu froide, là où un peu de chaos aurait pu renforcer l’urgence du récit.
Narrativement, Ces jours qui disparaissent jongle habilement entre mystère, drame, et introspection. Le concept est brillant et exploité avec intelligence, mais certaines parties de l’intrigue manquent de profondeur. Le rythme, bien qu’efficace, donne parfois l’impression de survoler des questions qui auraient mérité un traitement plus approfondi, notamment sur les conséquences à long terme de cette étrange cohabitation.
Le principal point faible du récit est son dénouement. Après une montée en tension captivante, la résolution, bien que logique, laisse une légère frustration. On aurait aimé un dernier acte plus percutant, qui ancre cette expérience unique dans quelque chose de mémorable à long terme.
En résumé, Ces jours qui disparaissent est une BD audacieuse et fascinante, qui brille par son concept original et sa réalisation graphique soignée. Si elle manque parfois d’un peu de profondeur émotionnelle ou de surprises dans sa conclusion, elle reste une œuvre marquante, à lire pour se perdre dans ses propres réflexions sur le temps et l’identité. Une pirouette narrative élégante, qui laisse le lecteur un peu désorienté, mais satisfait.