Poursuivant son exploration du Paris occulte, David B. nous entraine dans un étrange univers où beaucoup d’éléments s’imbriquent et où on croise une incroyable galerie d’étranges personnages. Ce deuxième volet s’avère tout à fait dans la lignée du premier.
L’album commence par un résumé en quatre planches du premier volet nous rappelant que l’auteur se met lui-même en scène, rêvant initialement d’une revue intitulée Les Incidents de la nuit dont il apprend qu’elle a été créée par un ancien soldat de Napoléon, Émile Travers, défiguré à Waterloo. La revue s’intéresse aux aspects occultes de la politique et aux mystères liés à l’histoire de l’humanité.
David B. y apprend aussi que Travers a défié l’ange de la mort et qu’il est lié à La Flotte une bande de truands. Travers semble également lié à la secte adorant le dieu Enn, dieu de l’anéantissement et de la destruction ou encore le dieu inconnu n’ayant pas de temple. Ce premier volet s’intéresse à la lutte du dieu inconnu contre l’humanité et au premier génocide. Travers cherche à renaître et il prépare quelque chose de terrible. Alors qu’une nouvelle livraison des Incidents de la nuit devient disponible en kiosque, son personnel est trouvé massacré dans ses bureaux. David B. e alors le commissaire Hunborgne qui considère que Travers survit quelque part dans les marges de la mort et prépare le retour du dieu Enn. Sur le chemin du retour chez lui, David B. est lardé de coups de couteau par cinq inconnus sur un pont de Paris. L’ensemble est donc aussi loufoque que fascinant et convainquant. David B. mettant en scène son propre assassinat, quel tour de e-e lui permettra de concocter une suite ???
Une enquête dans le Paris occulte
Dans cette suite (à partir de la planche 91) Marie la journaliste qui accompagnait David B. dans ses investigations parisiennes annonce la disparition du jeune homme au commissaire Hunborgne qui s’interrogeait déjà.
Il sent que quelque chose se prépare, en particulier du côté des clochards, les yeux des ponts qui en savent longs et protègent Paris. Marie rencontre leur maîtresse qui lui fait un topo sur cette mission de protection de la ville de Paris, issue d’une tradition séculaire et qui lui révèle que le pont le plus important de Paris serait le pont de Caulaincourt, celui qui ne surplombe pas d’eau mais les tombes du cimetière de Montmartre. Elle incite Marie à parcourir Paris en observant tout, à la recherche de signes, car l’histoire de la ville remonte loin. Cette femme s’inquiète, considérant elle aussi que La Flotte prépare quelque chose de grave. Alors qu’Humborgne enquête (chapitre 3, une nouveauté puisque les deux premiers n’ont pas été signalés) sur les agissements de La Flotte dont il interroge les membres qu’il connait, Lhôm le libraire, l’appelle pour lui signaler un individu dans sa boutique. Il s’agit en fait de Jean-Christophe, le frère de David B. celui-là même qu’on voit sur l’illustration de couverture. Or, on lui tire dessus avant même qu’il puisse entamer la discussion avec Hunborgne. S’ensuit le chapitre 4 (planches 117-128) intitulé Le combat parmi les livres. A la suite de quoi, les survivants se retranchent dans la librairie de Lhôm (celui-ci étant mal en point) et le chapitre 5 nous présente la géographie secrète de la ville de Paris, selon les libraires.
Mais ce n’est qu’une introduction pour nous présenter le combat en cours avec ses enjeux, en lien avec la révolte des clochards, ce qui nous ramène très loin dans le temps, jusqu’à la manière dont les rois de se préparaient à accéder au pouvoir, le vrai, celui qui leur permettait de se faire une place dans l’Histoire par leurs actes et accomplissements au cours de leur règne. Le tout en gardant à l’esprit la sauvegarde de la ville de Paris.
David B. digne héritier des feuilletonistes du XIXe
Si graphiquement ce deuxième volet s’avère (très) légèrement moins inspiré que le premier, il ne déçoit pas du tout, parce que David B. nous embarque dans de nouvelles péripéties délirantes, tout en restant toujours aussi convainquant. Je pense ainsi à tout ce qu’il montre comme étant soi-disant le é occulte de Paris et des rois de , présenté d’une manière qui caricature avec maestria l’érudition des spécialistes. Alors oui, cela part un peu dans tous les sens, mais c’est tellement original qu’on se laisse emporter. David B. s’y montre le digne héritier des feuilletonistes du XIXe siècle (époque où remonte les origines de La Flotte), ce qui m’incite à faire le rapprochement avec Jacques Tardi, autre héritier des feuilletonistes et autre grand irateur de la ville de Paris, de son architecture et des lieux qui font son histoire. Comme Tardi, David B. s’amuse beaucoup avec les croyances occultes. A vrai dire, le sujet paraît inépuisable et l’auteur le présente et l’utilise d’une manière aussi personnelle qu’enthousiasmante. On ne s’en lasse pas et on en redemande. D’ailleurs, dans la grande tradition des feuilletons, l’album s’achève avec une planche exposant les nombreuses questions qui restent en suspens et en annonçant que nous trouverons les réponses dans Les coulisses. Pour conclure, il faut savoir que Les Incidents de la nuit a fait l’objet d’une première parution en trois albums (1999, 2000 et 2002), alors que celui-ci comprend les planches 91-199 et qu’à ma connaissance nous attendons toujours la parution des coulisses annoncées. A moins qu’elles circulent déjà sous le manteau…
Critique parue initialement sur LeMagduCiné