La première fois que j’ai vu Neurosis en live, c’était à l’Arapaho à Paris en 1996, la deuxième lors un concert pour la tournée de l’album Time Of Grace au Club Dunois à Paris en 2000.
Ce concert, je l’ai quitté au bout de 45 minutes.
Que dire de cet album ? Qu'il a changé ma vie ? Bateau peut-être, mais véridique. Je ne e pas une seule journée sans écouter de la musique, mais ce disque a eu un impact, une résonance profonde. C'est une relation privilégiée que j'entretiens avec les chansons de cet album.
Méditer sur un album à grosses guitares peut paraître inconcevable ? Pour moi, non. Ce disque est d'une lourdeur hypnotique, d'une sensibilité débordante. Les musiciens font plus que se mettre à nus. Leurs compositions, leurs interprétations me donnent la chair de poule. Les chansons sont arrangées avec une grâce, une subtilité qui m'a toujours laissé songeur. Comment font ils pour allier une telle puissance avec autant de sensibilité ? Ces gens ne composent qu'avec leur coeur, leur chair. Le moindre coup de cymbale, le moindre accord a sa justification, un sens, une portée unique. La sécheresse et la brutalité du son concocté par Steve Albini n’est sûrement pas étranger à tout cela.
Vingt-deux ans que j'écoute cet album, Vingt-deux ans que je pars avec eux, que mon esprit s'inonde d'images.
Alors ce concert, me direz vous ? Et bien, j'étais au premier rang, plein axe. A la fois impatient, excité et ému de revoir pour la deuxième fois en chair et en os ces compagnons d'âmes, auteurs et acteurs d’un album qui m’a boulversé.
Ils arrivent et s'installent, sont déjà dans leur monde. Ils n'ont pas encore touché leurs instruments qu'on les sent déjà habités par ces vibrations uniques qui donnent corps à leur musique. Le noir se fait, une dizaine de vidéo-projecteurs s’allument successivement, diffusent petit à petit des images, qui s'additionnant, composeront un tableau animé d'un mouvement perpétuel, hypnotique.
Le batteur, les deux guitaristes/chanteurs, chacun sur un kit de percussion, entament une musique tribale. Je suis déjà hypnotisé. Puis chacun s'empare de ses instruments respectifs et entame la chanson The Doorway. Mon corps est envahi par les émotions déchirantes qui transpirent dès les premières notes. Leurs regards sont troublant, les mouvements qu'ils donnent à leurs corps ressemblent à une danse vaudou, lente, langoureuse et puissante. Le son est énorme, les basses m'entourent, les guitares me transpercent, mon corps est secoué. C'est si intense, je suis submergé par tant d'émotions, qui me mettent dans un état étrange. Mon cerveau vole des images à tout va, je suis en sueur, le public remue sur lui même, ondule. Nous sommes un tout.
Au bout de 45 minutes environ, je ne peux accueillir plus d'émotions, je choisi le repli, m'éloigne des premiers rangs, m'appuie contre un mur, reprends des forces. Leur jette un regard en coin ému et songeur en me demandant comment je puis me sentir aussi proche de types qui vivent à des milliers de kilomètres de chez moi, qui ignorent même jusqu'à mon existence ? Je m'en moque. Cette musique me parle, devient mes mots.
Donc, oui ce concert, je l'ai quitté avant la fin.
Par excès d'amour, d'émotions, par trop de similitudes de langage, je ne sais pas. Toujours est il que c’était troublant, et que je suis sorti de ce concert apaisé, comme purgé.