One More Light
3.9
One More Light

Album de Linkin Park (2017)

La lumière au bout du tunnel

Alors que Linkin Park semblait enfin avoir muri dans le bon sens du terme avec The Hunting Party, voilà qu’ils nous font la crise de la quarantaine avec One More Light.


Je ne suis pas de ceux qui sont bloqués dans une réalité virtuelle où n’existent que Hybrid Theory et Meteora. Mais je ne suis pas non plus de ceux qui foncent aveuglément à la vue d’une galette estampillée Linkin Park. Il est temps d’examiner ces 35 mins. Ah oui, le groupe est connu pour pondre des albums presque aussi court que des EP.


Autant le dire d’emblée, l’album est mauvais. Mais le pire, ce n’est pas qu’il est mauvais au prisme du rock, car il serait absurde de procéder de la sorte. Non mesdames mesdemoiselles et messieurs, cet album est mauvais pour un album de pop. Il faut dire les choses, Linkin Park, pourtant dans l’expérimentation permanente, ne maitrise pas la pop. Alors oui, je vous l’accorde, c’est surprenant quand on se souvient des accents pop/rock de Minutes To Midnight ou plus récemment l’énergique Living Things. Mais le sextuor est lucide, c’est pour cela qu’ils ont fait appel à des pros du milieu. C’est donc avec l’aide entre autres de paroliers comme Julia Michaels (Demi Lovato, Selena Gomez, Nicole Scherzinger, Justin Bieber, Britney Spears) et Justin Tranter (Justin Bieber, Selena Gomez) que les gars se sont attelés au travail.


Vu comme ça, ils avaient tout pour envoyer du tube et saturer les ondes radio. Sauf que cela ne prend pas. Le single Heavy a d’abord été très mal accueilli. Déjà, faire appel à la chanteuse Kiiara a été une surprise. Si la jeune femme a explosé avec Gold (et c’est tout pour le moment), on ne comprend pas ce qui lui a valu de poser sa voix. D’un côté, un chanteur qui a lutté contre ses addictions et de l’autre, une chanteuse qui flirte avec l’image de la drogue. Après tout, pourquoi pas.


L’album s’ouvre avec Nobody Can Save Me qui nous plonge directement dans les eaux de la pop. Les paroles ou la musique ne sauveront pas le titre malheureusement. Puis Good Goodbye invite Pusha T et Stormzy. Si le titre est agréable, on sent les 2 rappeurs sous exploités. L’artiste de grime n’a pas grand-chose pour s’épanouir. Puis la promenade pop reprend et on se lasse assez vite. Pourtant les paroles se veulent intimes, relatant notamment les addictions justement de Chester Bennington (Talking To Myself) où les craintes d’un père pour son fils avec un Shinoda à la justesse de voix relative (Invisible). Mais tout ça reste maladroit. On peut relever des accents de Deep House dans l’instrumental de Sorry For Now. La demi-heure se clôture avec Sharp Edges. Etrangement celle qu’on retiendra. Alors c’est pop de chez pop, mais ça marche. Ce son à la Mumfords & Sons ou Lumineers fait son petit effet et on ne comprend pas pourquoi il n’a pas été le ton de l’album.


On en ressort insatisfait. Une pop pas assez profonde (les paroles n’ont jamais été leur point fort), ou pas assez énergique. Une pop molle en somme, qui n’a pas trouvé de réelle base. Linkin Park n’a pas réussi à rendre un ensemble cohérent. On a le sentiment d’un side project mais au sein du même groupe. Une production signée Shinoda et Delson avec Bennington dans les textes. On se demande qu’ont fait les 3 autres membres dans la réalisation, même si l’on sait que le batteur n’a jamais brillé par son jeu.


On ne sait pas encore si le succès commercial sera au rendez-vous, mais les notes tombent et ne sont pas glorieuses. On pourrait féliciter le groupe de livrer un album qui se veut honnête à leurs yeux, mais alors on ne comprend pas pourquoi Shinoda, interviewé par Noisey, reprochait à certains groupes de rock de faire de la pop lors de la sortie de The Hunting Party.


Au final, cet album ne mérite pas la moyenne. Il n’aurait pas été signé Linkin Park il serait peut-être é sous les radars de pas mal de monde. Les californiens sont tombés dans une pop EDM sans saveur, celle dont les maitres semble être les Chainsmokers. Pourtant, dès leur début, on le sait, le groupe avait un faible pour l'électro (voir la hidden track de leur 1er EP aux accents de bon son 8 bits) et cela avait son charme. On ne comprend pas comment un groupe a pu tomber dans cette facilité alors qu'ils avaient l'occasion d'y apporter leur patte comme on peut le voir dans toutes leurs compilations (cf. LP Underground). On aurait presque aimé les voir exploser en plein vol, tirer leur révérence après un sixième album dont il n’ont pas à rougir.

4
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le 29 mai 2017

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