On The Beach est un album pour le moins déprimé, très loin de la sérénité pastorale de Harvest. é Walk On, l’ouverture entêtante qui parvient à faire illusion, l’horizon s’assombrit au sens littéral dès le deuxième morceau. Profondément mélancolique, See The Sky About To Rain annonce que le plus dur est à venir. Les considérations cyniques de Revolution Blues et Vampire Blues essaient de nous faire croire à l’insensibilité du Loner, jusqu’à ce que deux longues ballades viennent faire le point sur la situation. Dans Ambulance Blues, sur le ton de la confidence, Young révèle à demi-mots les raisons qui le poussent à fuir sans cesse le confort de l’insouciance :
« It’s easy to get buried in the past / When you try to make a good thing last »
« Le é a vite fait de t’enterrer / Quand t’essaies de faire durer un bon moment »
Tandis que sur la chanson titre, il questionne sa propre solitude, celle qu’il chérit tant, qui est si nécessaire à son art, mais qui prend des airs de malédictions au fur et à mesure que son entourage se rétrécit dans des circonstances macabres.
« All my pictures are falling / From the wall where I put them yesterday / I need a crowd of people / But I just can’t face them day to day »
« Toutes mes photos s’écroulent / Du mur où je les accrochées hier / J’ai besoin de monde autour de moi / Mais je ne peux les voir tous les jours »
Fin 1972, même pas vingt-quatre heure après s’être fait congédier du Crazy Horse par Neil Young, Danny Whitten a trouvé la mort, empoisonné par un mélange de valium et de whisky. La frontière entre l’accident et le suicide n’est pas bien claire. Quelques mois plus tard, c’est Bruce Berry, le roadie accroc à l’héroïne, qui succombe à son dernier shoot. Le Loner, habituellement si introverti et peu enclin à l’excès, craque et se laisse aller à de sidérantes explosions de colère. Plus question d’alimenter la bonne conscience des connards de Woodstock, l’hypocrisie des sixties a assez duré, l’utopie s’est cassée la gueule et Young en paye salement les frais. On The Beach, qui date de 1974, est un album malade mais il semble relativement bien portant à côté de celui qui aurait dû sortir à sa place si la maison de disque en avait eu le courage, Tonight's The Night...
Extrait du podcast Graine de Violence à découvrir ici :
Neil Young, se perdre et se retrouver
https://graine-de-violence.lepodcast.fr/neil-young-se-perdre-et-se-retrouver