En 2013, My Name Is My Name débarque comme un rappel brutal : l’ère du coke rap n’est pas morte, elle s’est perfectionnée. Si l’album n’a pas eu l’impact commercial d’un Magna Carta... ou d’un Nothing Was the Same, il a pourtant exercé une influence silencieuse mais décisive sur la décennie à venir.
Sous la houlette de Kanye West, la direction artistique frôle le radical. Numbers on the Boards, produit par Don Cannon et 88-Keys, pose les bases d’un rap austère, brut, sans superflu. Ce genre de dépouillement sonore deviendra plus tard une marque de fabrique dans les projets de rap introspectif (voir DAYTONA, 4:44, voire certains travaux de Griselda).
Pusha T impose ici une écriture ultra-technique : multisyllabisme, double-sens, métaphores liées à la rue et au trafic — tout y est millimétré. Il ne s’adresse pas à l’auditeur moyen, mais à une niche de puristes, avec un respect presque sacré du craft. Cela crée une distance, mais aussi un respect durable. Ce n’est pas un rappeur qu’on consomme, c’est un artisan qu’on cite.
My Name Is My Name a ouvert la voie à un rap "de niche", élitiste mais respecté, capable de côtoyer les charts sans se compromettre. Il a contribué à légitimer l’idée qu’on pouvait parler de dope avec une plume lettrée, des prods avant-gardistes, et une image soignée. En cela, l’album a participé à redéfinir les contours du “luxury street rap” tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Je lui mets un 8/10 parce que l’album, sans être le plus émouvant ni le plus varié, pose des fondations esthétiques solides. Il n’a pas retourné le grand public, mais il a imprimé une marque indélébile sur les dix années suivantes. C’est l’œuvre d’un stratège du style, pas d’un séducteur — et c’est précisément ce qui fait sa valeur.