Ma première rencontre avec David fut le jour des 18 ans de ma soeur aînée. C’était en 1988. J’avais alors 11 ans, et une soirée déguisée se préparait pour l’occasion. La terrasse de la maison de mon enfance fut alors transformée par un décorateur de cinéma figurant parmi la liste des invités, et les déguisements plus délirants, les uns les autres, commencèrent à débarquer. Arriva alors mon futur beau-frère, recouvert d’un maquillage des plus intrigants sur l’ensemble de son visage (il préparait l’école du Louvre à l’époque, génie en herbe du crayon qu’il était). Je lui demandai en quoi il était car je n’avais jamais vu pareil déguisement de ma vie. Il me répondit: « David Bowie ». Je m’éclipsai et cherchai dans la maison des cassettes (et oui pas d’internet dans les années 80) . J’en trouvai une dans la chambre de ma soeur: « Let’s dance ». Je la rembobinai (il fallait être patient et le mériter son son à l’époque!) et appuyai sur le bouton « play » de la chaine hi-fi: « Modern Love » (première chanson de l’album) se mit à tourner. Et là coup de foudre: quelle voix! quel rythme! Sur la pochette: une simple petite photo: un super blond torse nu les mains enveloppées dans des gants de boxe noirs: super sexy… Je commençais à sauter sur le lit, a donné des coups de boxe dans le vide au rythme de la musique. Je pouvais la mettre à fond, la soirée d’en bas était encore plus forte donc j’étais tranquille, libre! Puis s’enchaina « China Girl ». Je m’effondrai alors sur le lit. Je fermai les yeux. Du haut de mes 11 ans, je ne comprenais pas encore les paroles en anglais, mais cette musique me prit tout le corps. Je n’avais qu’une envie: être cette « China Girl » et je m’imaginai dans les bras de ce beau ténébreux. « Oh Baby….Chuuuuuutttt…. » sont les premiers mots qui me firent des frissons de partout. Et toujours cette voix sublime à la fois grave, aiguë, indescriptible, sensuelle, virile… « Let’s dance » me fit sursauter, je me souviens m’être levée d’un coup, et commençai à me trémousser devant la glace. Je faisais de la danse classique, mais là je laissai aller mon corps à la musique, complètement enivrée… par lui. J’écoutais l’album en boucle: retournant et rembobinant la cassette à chaque face terminée, jusqu’à m’endormir dans les bras de ma panthère rose suppliant qu’elle se métamorphose en Bowie le temps d’une nuit… Le lendemain, je me réveillai et partis à sa conquête musicale, à la recherche de ses autres albums, qui ne m’ont pas lâchée depuis découvrant chacun de ses trésors. David m’a accompagnée toute ma vie: mes premiers chagrins d’amour, mes voyages en walkman, mes premières cuites, mes moments d’espoir, de désespoir…
Quand j’ai appris la nouvelle de son décès ce lundi matin, j’avoue avoir humblement pleuré comme si j’avais perdu un proche... Et oui encore cette naïveté de croire en l’immortalité de certaines personnes...
Mon seul regret: ne l’avoir jamais vu en vrai… J’avoue: par timidité, car si j’étais venue le voir, je suis sûre que je me serais complètement transformée en groupie comme on les voit sur les vidéos des années 60 des Beatles en train d’hurler, pleurer, s’évanouir…