Billy Idol est parfois étrange, après un succès comme celui de son album Charmed Life, la majorité des artistes auraient cédé à la facilité et auraient sans doute refait plus ou moins le même album. Après tout, ça vend bien et c'est le plus important, en particulier pour les maisons de disque. Finalement c'est plus ou moins ce qu'avait fait l'artiste avec sa trilogie Billy Idol, Rebel Yell et Whiplash Smile, les trois disques sont relativement similaires dans leur ton, leur style et même leur staff, mis à part la disparation de Steve Stevens sur Charmed life. Sauf qu'on a affaire à un homme différent, toujours plus sous l'influence de diverses drogues, mais surtout toujours complètement cassé par son accident.
Si jamais vous aviez oublié, Billy souffre d'un grave accident de moto en plein pendant la sortie de l'album précédent. Ce qui va lui coûter cher, entre rater de gros rôles pour de gros films mais surtout le pousser encore plus à prendre diverses drogues et anti-douleurs. Mais tout ça va lui être bénéfique pour sa musique. Alors qu'il est encore en pleine rééducation, lors d'une interview avec Legs McNeil, ce-dernier remarque que le chanteur porte un stimulateur de muscles sur sa jambe et nomme ainsi Idol, cyberpunk pour son côté cyborg (d'ailleurs Legs qui parle de jambes moi ça me fait rire). Ni une ni deux, le chanteur a un éclair de génie et se plonge dans l'univers Cyberpunk. Relisant notamment Le Neuromancien de William Gibson, Le Samouraï Virtuel de Neal Stephenson, ou encore les œuvres de Robert Anton Wilson, pour ne citer qu'eux. Du coup c'est un peu con de voir qu'il s'en ai pris pas mal dans la gueule de la part de la communauté naissante du web, l'accusant de vouloir surfer sur la vague (ma blague est voulue). Parce que finalement l'idée est assez sincère, c'est rare de voir quelqu'un vouloir se faire du fric sur un truc à la mode mais de derrière réellement étudier et se renseigner sur le sujet. Et il va aller jusqu'au bout du gimmick, allant jusqu'à distribuer des disquettes qui accompagnaient le premier single, avec tout un tas d'éléments qui fonctionnent sur l'ordi quand on y insère le CD (ce que fera Bowie et Prince plus tard d'ailleurs).
De plus l'album sert plus ou moins de réponse au mouvement Grunge en pleine explosion alors ! Ce qui selon explique aussi son échec commercial mais là n'est pas la question...enfin pas tout de suite. Comme le chanteur l'expliquait à l'époque, il fallait absolument qu'il se réveille après avoir entendu Nirvana et Courtney Love, mais aussi Pearl Jam parlant du mouvement Punk et de son influence. Il est tout de même l'un des pionniers anglais encore vivant du genre. Bon le mec décide de rétorquer avec un album tout sauf Punk, du moins dans sa forme.
De même c'est à cette même époque qu'Idol commence à travailler avec Trevor Rabin, connu pour ses nombreux albums, son talent de compositeur de musique de films et surtout pour avoir offert un énorme succès commercial au groupe Yes où il restera guitariste pendant un temps. Ce-dernier travaille beaucoup avec son propre matos et notamment sur Mac en utilisant Pro-Tools. Logiciel vivement critiqué par tout un tas de musicos à l'époque parce que c'était céder à la facilité, parce que c'était de la triche, parce que c'était pas de la vraie musique, parce qu'il fallait bosser dans un vrai studio avec des bandes et bla bla bla...j'en e des critiques et autres excuses à la con.
Avant de s'attaquer au riche contenu de cet album, parlons un peu de son contenant et surtout que cette pochette. Alors autant j'ai tendance à être très gentil et concilient avec le petit Billy, autant là je ne comprend même pas la démarche. Sa tronche, des effets chelous de déformations comme si le gars venait de découvrir la fonction sur Photoshop, des couleurs dégueux qui bavent de partout, ah et si un peu comme des éléments informatiques genre Matrix (qui pompe sur Ghost in the Shell). Alors qu'il aurait pu nous sortir un truc dans le genre Blade Runner, pour ne citer que lui, non on a le droit à ça...
En plus le look dans tout l'album et une partie des clips, ne correspond pas au look de l'artiste à ce moment là. Du moins lors de la grosse tournée accompagnant la sortie du disque, Idol change drastiquement son look. Terminé les cheveux ébouriffés pleins de pics, on garde tout même le blond platine mais maintenant place aux courtes dreadlocks. Ainsi que des vêtements désignés par le très grand nom de la fashion Paul Smith. Et je dois dire que finalement ça colle à l'ambiance même si ça fait surtout bizarre de le voir coiffé différemment.
Je rajoute qu'il existe aussi une seconde pochette, moins moche mais pas belle non plus, et surtout totalement hors sujet. Collectable Records qui décide en 2006 d'affubler l'album original d'une photo d'un très jeune Billy Idol pour je ne sais quelle raison.
L'album s'ouvre sur...et bien pas une chanson ! Cet Opening Manisfesto est en fait une simple récitation du « Is There a Cyberpunk Movement » publié par Gareth Branwyn qui a servi de consultant sur le projet. Idol ajoutera quelques lignes supplémentaires pour coller au reste du disque. On retrouvera en tout sept pistes différentes parsemées sur tout l'album servant plus ou moins de narration. Ce concept particulier me rappelle étrangement ce que fera David Bowie sur le bien trop sous-estimé Outside, sorti deux ans après celui de Billy idol. Les similarités entre les deux albums m'ont toujours choqué, surtout que personne n'en parle jamais.
On commence enfin réellement avec Wasteland. Et direct le chanteur fait bien comprendre qu'il n'est pas là pour faire du réchauffer. C'est vachement plus électronique que ces albums précédents, assez groovy même grâce à l'excellente basse de Doug Wimbish présente tout du long (grand bassiste surtout de studio mais aussi du méconnu Living Colour). Mais ça ne veut pas dire qu'on a pas une belle guitare nerveuse, même si Steve Stevens n'est plus présent Mark Younger-Smith fait un boulot formidable, en plus de tout écrire avec le chanteur.
Shock to the System est le seul vrai single qui va arriver à se vendre. Mais aussi le seul a se retrouver sur les best-of ou en concert (en dehors de la tournée Cyberpunk). Et c'est peu-être parce que c'est aisément la chanson qui ressemble le plus au Billy classique, celui qui enchaîne les gros succès. Le riff de guitare, qui me semble être une boucle, est entêtant comme pas possible. Même si on garde le style un poil electro/indus, on est résolument sur un Rock bien plus nerveux. Les paroles font ici références aux grande émeutes de Los Angeles en 1992, ce qui vaudra bien des critiques au chanteur. Le clip lui aussi reste sur les mêmes références de rébellion, tout en ajoutant un peu de cyborgs, de dystopie, de totalitarisme, et d'effets spéciaux à la Tetsuo réalisés par Stan Winston lui-même (tant qu'à faire autant avoir le mec de Terminator). A noter aussi que le single est accompagné d'une face B, Aftershock, qui aurait méritée de se retrouver sur le disque. Je trouve qu'elle sert de parallèle au single, en étant beaucoup moins Rock et plus dans un côté techno, qui aurait tout à fait sa place sur le reste du disque.
Pas de blabla cette fois-ci, Tomorrow People s’enchaîne directement. Malgré un solo de guitare qui décoiffe, on repart à nouveau sur des sonorités plus groovy toujours avec cette basse et electro pleins de synthés. Ce qui n'est pas à m'en déplaire, après je ne suis pas sûr qu'un pseudo rap un peu niais était une bonne idée.
Est-vous prêt à vous faire hypnotiser par Adam in Chains ? Si c'est le cas vous avez environ trois minutes pour le faire avant que cet autre single ne démarre vraiment. J'avoue que j'ai un peu tendance à zapper cette longue introduction qui sert de guide hypnotique. J'ai testé, ça n'a pas marché pour moi, je vous laisse essayer. Une fois tout ce blabla é, on a le droit à un très bon titre à fond dans les claviers. Ceci n'est pas une blague sur la technologie mais je viens de me rendre compte que ça aurait pu. Alors qu'on pourrait croire à une simple chanson sur un amour brisé, on est en fait sur une sorte de concept New Age pour les tomorrow people. Ah référence à la chanson précédente je vois je vois ! Comme c'est un single on a le droit à un clip, réalisé par Julien Temple c'est pas rien. Alors là on est à fond dans le côté réalité virtuelle, Billy branché à tout un tas de technologie du futur futuriste. Même si je me demande si c'est pas juste une excuse pour nous montrer son physique en parfait état et aussi sa nouvelle coupe. Parce que contrairement à Shock to the System où il avait une coiffure pleine de pics à l'ancienne, non ici c'est l'arrivée des petites dreadlocks. Étrangement cette version est aussi accompagnée de cœurs féminin, ce qui n'est pas déplaisant.
Voici l'une de mes préférées, Neuromancer, qui fait bien entendu référence au livre du même nom. C'est l'âge de la destruction et de l'oubli, donc il nous faut absolument une guitare nerveuse. Comme j'ai pu le dire précédemment, on pouvait avoir peur d'un changement de guitariste mais il fait vraiment plus que le job. Et je ne sais pas si c'est un clin d’œil ou non mais on a clairement le droit à un riff à la James Bond en cours de route ou est-ce une référence à Don't Need a Gun du même artiste ? Bonne question mais dans tous les cas c'est cool.
Power Junkie reste à peu près dans la même ambiance, tout en étant aussi l'une de mes favorites. S'ouvrant sur un extrait de Mohamed Ali puis des synthés stridents, ce qui sort vraiment du lot c'est la guitare agressives mais surtout la superbe voix d'Idol qui oscille avec aisance entre colère et crooner. Franchement avec une instrumentation plus « classique » on aurait pu facilement l'entendre sur Rebel Yell ou un autre ancien album.
On conclue cette première moitié avec Love Labours On. Ce groove est terriblement sexy, en grande partie grâce à cette basse. Le titre ainsi que l'interlude précédente font référence à la Bible, même si je ne sais pas vraiment où il veut en venir...et voilà pourquoi je n'essaye pas plus que ça d'analyser les paroles.
La seconde moitié commence très très fort avec une reprise d'Heroin du Velvet Underground, avec un clin d’œil à peine caché à Gloria dans sa version Patti Smith. La chanson sert de premier single pour Cyberpunk et je ne suis pas sûr que c'était une bonne idée. Alors que le début reste lent et posé, marqué d'un rythme cardiaque, on part vite sur de la Techno bourré de loops et de synthés. Il y a de quoi surprendre les fans les plus ardus, surtout que ça dure près de sept minutes mais heureusement ça évolue tel un morceau progressif. Je vais le dire de suite, ce côté ultra risqué et couillu m'a fait tombé amoureux de l'album lors de ma première écoute. Sérieusement c'est complètement fou de la part de Billy Idol de tenter quelque chose comme ça. Il existe aussi un clip qui est incroyablement laid avec ses effets vidéos qui devaient être à la mode à l'époque. Mais surtout le clip qui se balade le plus fréquemment sur YouTube est un remix un peu dégueu dont je ne suis pas super fan.
Je vais vous avouer un secret, quand j'ai commencé à écrire cette critique je n'avais aucun souvenir de Sangrila. Et en la réécoutant pour me préparer je me souviens pourquoi. Autant le titre précédent durait presque sept minutes, là on les dée de peu et c'est beaucoup trop long pour pas grand chose. Je ne comprend pas l'idée des sonorités indiennes, ça ne colle pas avec Sangri-La qui serait au Tibet. En fait techniquement parlant c'est plutôt bien foutu mais je ne vois pas vraiment le lien avec le reste du concept de l'album. Alors vous allez peut-être me dire « oui mais le Cyberpunk fait souvent référence au Japon ou à la Chine », oui pas trop l'Inde ni même le Tibet. Je vois ici plus un truc New Age un peu bancal, contrairement à Adam in Chains.
Concrete Kingdom vient heureusement remonter le niveau ! Alors que les paroles sont pas spécialement joyeuses, on revient sur ces sonorités qui donnent direct envie de se bouger le cul, sans déconner ça aurait pu avoir sa place dans un Streets of Rage. Je n'ai pas grand chose de spécial à dire, à part que ça fonctionne très bien.
J'ai tendance à er à côté de Venus et je ne sais pas trop pourquoi. On retrouve tout ce qui fait le charme de cet album, une guitare assassine et des grooves lancinants. C'est fichtrement efficace et pourtant j'oublie toujours cette chanson.
On reste dans la même ambiance avec Then the Night Comes. Encore un titre efficace qui ne sort pas plus que ça du lot quand on l'écoute seul mais qui assure pourtant la continuité dans l'album.
Mais heureusement voici Mother Dawn qui est une foutue pépite et évidemment ma toute favorite. C'est assez étonnant de voir qu'il s'agit d'une reprise, pas spécialement différente de l'originale mais qui pourtant colle parfaitement avec le reste. A la base c'est une chanson de groupe de House music, Blue Pearl, composé de Martin « Youth » Glover l'un des membres fondateurs de Killing Joke, ainsi que de la chanteuse Durga McBroom. Elle revient d'ailleurs chanter à moitié la chanson, en étant aussi accompagnée par les filles de Brian Wilson. J'aime beaucoup la version originale mais cette reprise est définitivement un cran au-dessus. Par Blue Pearl on a le droit à quelque chose de plus dark mais surtout à l'instrumentation plus synthétique. Billy Idol y ajoute des riffs de guitare acérés mais surtout les nombreux cœurs féminins qui apportent une vraie plus-value. Un autre vrai petit bijou méconnu dans la discographie du chanteur blond platine, qui aurait sans doute mériter d'être un single.
Et bien ! Je savais que l'aventure allait être longue mais je ne m'attendais pas à avoir autant à dire. Enfin bon d'un autre côté, j'ai toujours prévenu que c'était à la fois mon album préféré de Billy Idol mais aussi sans aucun doute mon album préféré tout court.
Je vais me répéter mais je trouve ça assez couillu que le chanteur ait décidé de partir sur une sonorité assez différente du reste de sa carrière. Mais surtout de ne pas avoir fait la même erreur que beaucoup d'artistes à cette époque qui vont à fond dans la mode Grunge. Surtout quand la majorité d'entre eux s'est bien plantée.
C'est aussi dommage de voir qu'il y a peu de vidéos Live de cette période, tout comme les clips qui ne sont pas si faciles à trouver en bonne qualité, mis à part pour Shock to the System. Et même tout court, Idol semble laisser de côté cette période de sa carrière, sortant très rarement certaines chansons en concert aujourd'hui. Tout ça reste tout de même compréhensible l'échec autant critique que commercial. C'est assez marrant de voir les avis de ses anciens collègues, Tony James pensait que ce son ne collait pas avec Billy, qu'il était meilleur avec son style classique de rebelle criant mais qu'il restait cool. Steve Stevens lui ajoutera que ce n'était pas à cause de son départ et qu'Idol n'avait pas besoin de lui. Le chanteur lui parlait plus d'avoir perdu son public en tentant de faire un truc plus underground. Et pourtant c'est vraiment con, le gars était clairement en avance sur son temps ! Un tas d'artistes vont ensuite faire le coup d'ajouter une disquette ou des logiciels cachés sur le CD. L’utilisation de Pro-Tools qui sera une quasi norme pour tout le monde peu de temps après, même si certains critiquent vivement le principe à l'époque mais aujourd'hui c'est rare de ne pas utiliser l'ordinateur pour produire un album. Et n'oublions pas non plus toute la promo faite sur Internet ainsi que la comm', ce que Billy Idol fait toujours d'ailleurs. A quelques années près, il aurait été comme n'importe quel autre chanteur mainstream.
Mais voilà c'est trop tard maintenant ! Le rebelle blond platine va devoir ranger au placard son style « futuristique » et attendre encore quelques années pour remonter réellement la pente. Il y aura quelques petites choses ici et là, j'en reparlerai le temps voulu, pas besoin de faire de suspense mais il faudra attendre douze années avant d'avoir un nouveau disque.