Je n’arrive pas à savoir quel type de personne Daniel Lopatin est. Je n’arrive pas à savoir si, en écoutant cet album, je plonge dans sa tête et ses émotions ou plutôt dans les miennes. Sûrement un mélange étrange des deux.
En écoutant cet album attentivement, une image m'est venue à l'esprit. J'ai l'impression qu'il est le capitaine d'un bateau, qu'il sait exactement où il va. Cependant, il ne se dirige jamais vers un endroit précis. C'est un capitaine qui improvise méticuleusement.
On sent l'utilisation des IA tout au long de l'album, avec des utilisations moins subtiles comme Adobe Enhance Speech, qui est une intelligence artificielle qui permet d'améliorer drastiquement la voix enregistrée d'un micro de mauvaise qualité. Ici, il l'utilise pour interpréter et transformer en voix des enregistrements de violons, de guitares, de percussions, etc. Elles sont aussi utilisées de manière beaucoup plus subtile avec des IA qui permettent de transformer en temps réel n’importe quel son en un instrument précis. On sent que tous les paramètres sont constamment en mouvement. Il y a une virtuosité dans la transformation des sons : chaque synthétiseur est pensé pour être progressif. Il le réalise à un niveau inédit, ce sont des éléments qu'on retrouve moins développés dans certains de ses albums précédents.
Il y a souvent une perversion ou, du moins, une transformation d'un air/style musical qui nous semble bien plus familier. Cela va jusqu'aux paroles et aux noms des musiques qui évoquent toujours quelque chose de vague, en même temps assez précis pour nous évoquer des souvenirs, des émotions, des réflexions. Il parle aussi de lui et de son évolution musicale. Avec une oreille attentive, on peut reconnaitre les samples des musiques qu'il a faites des années auparavant tout au long de l'album.
Tous ces procédés techniques renforcent cette impression que la musique est constamment floue et le fait d'être tout le temps perdu.
J'ai du mal à me projeter dans la tête de cet artiste. Je suis fasciné qu'on puisse réussir à accoucher une œuvre pareille. Il met parfois de côté sa personnalité pour mettre en avant le concept de l'album, mettre en avant les paradigmes qui le définissent. Mais je n’irai pas non plus jusqu'au bout de cette affirmation. On reconnaît toujours bien son style unique de composition et d'approche sonore.