Le death technique est un genre musical assez ambiguë. Par son nom déjà, il implique une technicité que l'on croirait réservée aux auditeurs musiciens, dans une poursuite stérile d'une performance qui n'éblouirait que par sa capacité à s'auto-déer, sans jamais chercher à donner les clés à l'auditeur pour qu'il puisse se déer lui-même.
Cependant il n'en est rien. Outre le talent certain des musiciens pratiquant cet art sportif, la technicité indiquée dans le nom du genre musical tient plus de sa volonté de faire travailler l'auditeur, plutôt que de gonfler aussi sûrement qu'artificiellement l'ego des musiciens. Pratiquer le death technique autant que l'écouter, c'est trouver l'ordre dans ce qui paraît compliqué. Une sorte de casse-tête injecté directement dans le cerveau, auquel l'auditeur se doit d'arranger les informations selon une organisation qui lui conviendrait mieux que le bordel auquel on pense à la première écoute afin de trouver le plaisir caché dans ces tempi avancés et ces martèlements répétés. Le death technique, en terme d'émotion, a donc sans doute plus à voir avec l'exercice cérébral, le jeu théorique, l'organisation des idées dans la recherche de sens.
Cette recherche de sens, Spawn of Possession va en tirer profit à merveille sur cet album. La pochette nous en dit déjà beaucoup sur les ambitions Lovecraftienne du groupe, et ce sens terriblement inaccessible occasionnant un effroi que l'on croirait d'un autre monde. Si Spawn of Possession s'inscrit bien dans le genre death technique, c'est une inversion totale de ses valeurs qui s'opère ici : le groupe ne cherche pas à organiser les neurones de l'auditeur pour lui donner un sentiment de satisfaction intellectuelle, mais plutôt l'appelle vers cette organisation de l'esprit pour le mettre face à son impuissance à donner suite à son besoin irrépressible d'ordre organisé.
Le groupe manie d'ailleurs la dissonance comme personne. Une dissonance qui n'est ni chaotique (ce qui reviendrait à nier l'idée de la recherche de sens, quand c'est bien cette dernière qui amène cette terreur cthuluesque), ni ordonnée (le point final de cette musique devant être l'effroi face au chaos). Le dernier morceau et ses orchestrations de fin du monde donneront une meilleure idée de ce cheminement vers cette ime existentielle. Avec cependant une possible porte de sortie : le prêtre de la pochette, accueillant ce sentiment les bras grand ouverts, comme l'auditeur pressé de se replonger dans ce monde apocalyptique où l'ordre ne serait plus qu'une illusion à travers laquelle il voit désormais clairement.