Cover Cinéphilie obsessionnelle — 2024

Cinéphilie obsessionnelle — 2024

Longs métrages uniquement.
↑↑ "Notre corps", de Claire Simon (2023) ↑↑

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Mois après mois, pour le meilleur et pour le pire des découvertes :

Janvier (1→82)

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794 films

créée il y a plus d’un an · modifiée il y a 5 mois
Megalopolis
4.7
751.

Megalopolis (2024)

2 h 18 min. Sortie : 25 septembre 2024 (). Drame, Science-fiction

Film de Francis Ford Coppola

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Je vois difficilement comment le temps, les décennies pourront donner raison à Coppola et transformer l'expérience abominable de "Megalopolis" en vestige d'un génie incompris dont les aspirations iconoclastes seraient restées inaccessibles à ses contemporains. Coppola n'a pas réalisé un film en 12 ans, avec ce projet dans les tuyaux depuis des dizaines d'années, et il nous fait un gros tapis en le finançant avec ses propres deniers, faute de financeurs ou gage de liberté artistique totale. Bon personnellement, dès la première scène avec Adam Driver en haut de son building qui arrête le temps juste avant de tomber dans le vide sur fond de lumières jaunâtres immondes, j'ai senti une odeur de roussi qui ne m'aura pas quitté pendant plus de deux heures, à mon plus grand regret.

De la bonne volonté, je n'en ai pourtant pas manqué. Mais comment rester serein et volontaire devant un tel étalage de suffisance et de médiocrité (sans procès d'intention)... Dans les termes des ambitions, définies par un parallèle audacieux entre Rome antique et États-Unis modernes, tout se situe au niveau d'une certaine décadence, comme si l'on était à un point critique de notre époque d'où (seulement) deux schémas de civilisation pavaient la route du futur, symbolisés par l'opposition entre Adam Driver et Giancarlo Esposito. L'artiste et le capitaliste, le génie et l'arriviste, le progressiste et le conservateur. Non pas que ces notions n'aient aucun sens dans notre présent, bien au contraire, mais la formulation de ce pseudo dilemme en carton avec l'utopie d'un côté et le réactionnaire de l'autre se fait dans une toile dialectique d'une pauvreté abyssale.

Les pistes et les idées s'amoncellent par paquets de cent chaque minute, c'est proprement exaspérant, usant, reflet d'un côté largement inabouti, comme si l'auteur derrière tout ça se gargarisait de la confusion indigeste ambiante. Pas mal de grotesque aussi quand même, dans les rangs du casting (Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, quelles horreurs) mais surtout dans les décors qui suintent leurs effets numériques atroces, parfaitement ton sur ton avec la laideur des concepts tels qu'ils sont manipulés (l'histoire du nouveau matériau par exemple) sur fond de citations de Marc Aurèle. Espace saturé, tragédie pompière, discours manichéen : je n'ai vu à aucun moment la moindre velléité de construire un tout cohérent, mais plutôt un privilège de nabab en fin de course.

Here – Les plus belles années de notre vie
6.6
752.

Here – Les plus belles années de notre vie (2024)

Here

1 h 43 min. Sortie : 6 novembre 2024 (). Drame, Fantastique

Film de Robert Zemeckis

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Robert Zemeckis frappe fort avec un concept qui attise autant la curiosité qu'il ne dresse de drapeaux rouges : filmer en plan fixe un unique lieu, une petite portion du territoire états-unien délimité par les quelques dizaines de mètres carrés d'un salon, à travers le temps et ce sur une période éminemment longue — si l'essentiel du film se concentre entre le milieu du XXe siècle et 2024, les premiers plans font remonter jusqu'aux dernières heures des dinosaures. En filigrane régulier, un homme et une femme appartenant à une tribu indienne autochtone apparaissent aussi, probablement autour du XVe siècle. Mais le cœur du film est ailleurs : capter les constantes présentées comme atemporelles, les histoires de vie et de mort qui déterminent a priori l'intégralité de l'espace et du temps.

Dit comme ça il y a de quoi être effrayé, et Zemeckis n'y va pas de main molle avec la guimauve. Beaucoup de sucre, beaucoup de gras, et beaucoup de maladresses aussi : l'insertion de quelques marqueurs de notre contemporanéité comme les violences policières sur les Noirs ou la pandémie du Covid tombent vraiment comme un cheveu sur la soupe, c'est très mal intégré au reste du récit. Et qu'est-ce donc, ce récit, en grande partie ? Eh bien c'est Tom Hanks et Robin Wright à travers le temps, leurs joies, leurs peines, de leur prime jeunesse jusqu'à leurs dernières années, le tout grâce à une utilisation de l'IA générative qui commence à produire des effets costauds — pas d'uncanny valley ici, mais quand même quelques problèmes notables, le caractère trop lisse de la peau des adolescents, la démarche étrange de Hanks rajeuni (même si on est loin de la gêne sur De Niro dans "The Irishman"). Et aussi l'histoire des parents, Paul Bettany et Kelly Reilly, avec grosso modo les mêmes problématiques.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_2024/3769454

Assa
7.1
753.

Assa (1987)

Асса

2 h 33 min. Sortie : 1987 (Union Soviétique). Drame, Romance, Musique

Film de Sergey Solovyov

une critique.

Annotation :

"Assa" pourrait être renommé "Leto: Origins", à la lumière du film plus récent de Kirill Serebrennikov qui explorait le contexte dans lequel était né le groupe de post-punk et new wave soviétique Kino, dans les moments qui ont précédé la perestroïka. Une relation de filiation doublement marquée par l'apparition ici chez Sergueï Soloviov du chanteur Viktor Tsoi en personne, rock star soviétique morte accidentellement quelques années plus tard, interprétant à la toute fin la chanson Khochu peremen! (I Want Change!) devenue un symbole de la fin de l'URSS au crépuscule des années 1980. De manière plus générale, le film dissémine de nombreux extraits de morceaux de l'époque (regroupés sous l'appellation maladroite de rock russe chez nous) au travers de petits encarts-concerts ayant trait à un des personnages composant le triangle amoureux central.

Car à la base, "Assa", c'est avant tout ça, une infirmière Alika qui débarque à Yalta avec son amant mafieux Krymov, beaucoup plus âgé, et qui tombe sous le charme du jeune Bananan, gardien de jour et musicien punk la nuit. Soloviov met en scène ces relations croisées compliquées d'une manière particulièrement tumultueuse, d'où s'échappe une atmosphère chaotique qui n'est pas totalement étrangère à l'ambiance de la période historique contemporaine — le film sort en 1987. Ce n'est pas nécessairement un film romantique facile ou agréable à regarder, beaucoup de références culturelles échappent sans aucun doute à un œil non-russe, des tonalités grotesques rythmes très régulièrement les péripéties (le bordel général de l'arrière-plan comme les péripéties principales, à commencer par la jalousie de Krymov et tout ce qu'elle suscite), et pour ne pas alléger l'ensemble, un vague arc narratif parallèle ayant un lien extrêmement ténu avec l'intrigue de premier plan narre l'assassinat du tsar Paul Ier au tout début du XIXe siècle.

L'ensemble baigne dans le climat hivernal de cette année 1980, tandis qu’Alika se familiarise avec la contre-culture underground soviétique auprès de Bananan. Soloviov agrémente la narration de séquences légèrement expérimentales et régulièrement espacées qui assurent le statut de film culte en Russie. S'il paraît difficile de mesurer l'étendue de l'impact d'une telle production cinématographique, "Assa" conserve sans conteste un intérêt en tant que témoignage de l'énergie un peu désespérée de l'époque, perdue quelque part entre frustration et stagnation des derniers jours de l'Union soviétique.

Un faux mouvement
6.5
754.

Un faux mouvement (1992)

One False Move

1 h 46 min. Sortie : 5 mai 1993 (). Drame

Film de Carl Franklin

une critique.

Annotation :

Avec son écriture parfois un peu grossière, on n'a pas envie de placer des espoirs démesurés dans "One False Move" sur la base des premières minutes. Mais s'il ne s'agit résolument pas du chef-d'œuvre incontestable du néo-noir, il faut tout de même avouer qu'il y a quelque chose de surprenant dans la tambouille qui s'opère entre tous ces ingrédients disparates pour aboutir à ce thriller constamment plongé dans des faux rythmes qui empêche quelque situation confortable et ive (de visionnage) de s'installer. C'est un très bon point à mettre au crédit de ce film qui, en son temps, n'était à l'origine pas programmé pour une diffusion au cinéma — ce qui est très étonnant au vu du résultat.

L'introduction est sans appel : on y voit un trio de malfrats (deux gros maffieux, Billy Bob Thornton et Michael Beach, accompagnés par Cynda Williams qui ne semble pas tout à fait sûre de ce qu'elle fait ici) commettre différentes horreurs pour mettre la main sur un petit pactole de cash et de drogue. Cinq premières minutes particulièrement violentes, et marquantes. Puis c'est la fuite : un autre registre se met en place, celui de la progression presque en montage alterné, avec d'un côté les trois qui essaient de partir aussi loin que possible, et de l'autre une force policière hétérogène qui se met en place à leur trousse. Et un gros argument du film consiste précisément à mêler dans ce camp des flics des villes tout droit venus de Los Angeles et des flics des champs, représentés par Bill Paxton, aka shérif Dale 'Ouragan' Dixon, assez éloigné du monde des gros truands et davantage occupé à gérer les mauvaises histoires de ce petit coin rural de l'Arkansas.

Il y a dans cette association entre meurtres odieux et chamailleries policières un petit peu de ce qui constitue la singularité d'un film qui ne manque pas de points saillants. Paxton qui se sent progressivement dévalorisé par ses collègues de la LAPD, cette femme embarquée dans la fuite dotée d'un arrière-plan familial particulièrement fourni, ou encore quelques ages d'une violence aussi soudaine que stupéfiante (une des dernières scènes, particulièrement, ferme la boucle initiée par l'introduction sanglante). En toile de fond, on aborde la question du racisme avec précision et parcimonie, histoire de compléter cette toile décidément agréablement hétérogène faite de road movie, de chronique familiale, de thriller et de différends dans les rangs des flics.

First
7.4
755.

First (1983)

54 min. Sortie : 7 décembre 1983 ().

Documentaire de Robin Anderson

une critique.

Annotation :

La Papouasie-Nouvelle-Guinée était un terrain d'expérimentations ethnographiques et aventurières vraisemblablement sans équivalent au cours du XXe siècle, comme semblent l'illustrer d'autres documentaires antérieurs qui s'apparentent à "First ", à l'image de "Le Ciel et la Boue" de Pierre-Dominique Gaisseau (1961) ou "Dead Birds" de Robert Gardner (1963). Premier volet d'une trilogie papoue réalisée par le couple Bob Connolly et Robin Anderson, il raconte la rencontre littéralement incroyable et fracassante entre deux cultures, deux sociétés, deux groupes sociaux totalement opposés. [ref "Cannibal Tours"]

Des chercheurs d'or australiens parcouraient les territoires jusqu'alors inexplorés de Nouvelle-Guinée au début du siècle précédent à la recherche du précieux métal. On considérait à l'époque que les régions situées au-delà de massifs montagneux escarpés étaient dépourvus d'êtres humains, car jugés inaccessibles et inhospitaliers. Grossière erreur, dont la famille Leahy mesura l'étendue lorsqu'elle mena une expédition pour défricher ces terres ignorées : elles contenaient en réalité une population inconnue du reste du monde, les Papous du centre de la Nouvelle-Guinée. Une population estimée alors aux alentours du million de personnes tout de même.

Je crois qu'il est difficile de faire plus extraordinaire et radical en matière d'expérience de l'altérité... Des occidentaux sillonnant les territoires afin d'extraire des matières premières, se retrouvant nez à nez avec des tribus qui n'avaient jamais eu le moindre avec la civilisation. Et qui ne connaissaient que l'eau douce, n'ayant jamais eu l'occasion d'accéder au rivage de l'île immense — le récit d'un Papou emmené par avion dans une ville est à ce titre édifiant, notamment lorsqu'il découvre que l'eau de mer est salée et qu'il veut en ramener des bouteilles avec lui. Le fait que les frères Leahy avaient avec eux une caméra et un appareil photo comble un certain fantasme en permettant d'accéder aux images de cette rencontre et de filmer les réactions de ce peuple découvrant l'homme blanc — qu'il prend dans un premier temps pour des esprits lessivés par le soleil et revenant du monde des morts. Assez rapidement toutefois, ils réaliseront le caractère tout à fait humain et commun des nouveaux arrivant, en assistant à une défécation ou en réalisant que leur ceinture ne leur servait pas à enrouler leurs sexes immenses.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_1983/373467

Failan
7.1
756.

Failan (2001)

1 h 56 min. Sortie : 18 décembre 2002 (). Drame

Film de Song Hae-Sung

une critique.

Annotation :

Un film qui prend son temps pour à peu près tout. Pour présenter son personnage principal interprété par Choi Min-sik, petit mafieux sur le retour après un séjour en prison. Pour introduire la deuxième protagoniste (Cecilia Cheung), qui ne déboulera dans le référentiel qu'au bout d'une bonne demi-heure. Pour tisser la toile très particulière de leur rapport, qui inclut mariage arrangé et relations quasiment inexistantes entre mari et femme. Pour établir les différentes temporalités du récit qui jongle très harmonieusement entre plusieurs époques. Et finalement pour asséner le venin triste d'une tragédie qui aura pris l'intégralité du film pour gonfler et exploser à la toute fin.

En toute sincérité je pense qu'il y a quelque chose d'artificiel et froid dans la façon dont la distance est imposée entre les deux personnages, mais il est bien inutile de lutter, la romance tragique à retardement a totalement fonctionné chez moi. Au début on pense naviguer en territoire connu, on voit bien le portrait composé par Choi Min-sik dans le rôle d'une énième truand coréen (alors qu'il est plutôt au début de sa carrière à l'époque, quelques années avant "Old Boy"), mais ce ne sera qu'un leurre. D'abord on s'attache à décrire son impuissance à retrouver un respect fané, un é auquel il s'accroche mais qui semble manifestement révolu, on voit bien les relations toxiques qu'il entretient avec son boss, et au moment où il s'apprêtait à replonger pour 10 ans, l'annonce de la mort de sa femme qu'il n'aura jamais connue le frappe comme la foudre. Pas immédiatement, mais l'effet n'en sera que décuplé.

C'est en remontant le fil de sa mémoire, en retournant auprès de sa dépouille, qu'il effectuera son voyage existentiel. Elle, immigrée chinoise contrainte au travail acharné, n'avait qu'une photo de lui, et l'aura attendu toute sa vie, en lui écrivant des lettres. Il ne se seront jamais vus, seulement deux tentatives avortées, tout juste le temps d'apercevoir un visage derrière une vitre ou à travers une porte entrouverte. "Failan" pourrait ainsi se résumer à une histoire d'amour reliant deux amants qui ne se sont jamais rencontrés, au gré de deux récits évoluant dans deux repères temporels dists. Et on peut reconnaître à Song Hae-seong (réalisateur et co-scénariste) un certain talent dans la confection d'un rapprochement entre deux êtres aussi éloignés, l'un mort-vivant, l'autre mort depuis longtemps.

Viol en première page
6.8
757.

Viol en première page (1972)

Sbatti il mostro in prima pagina

1 h 26 min. Sortie : 26 avril 1973 (). Thriller, Comédie dramatique

Film de Marco Bellocchio

une critique.

Annotation :

►Décembre◄

Peut-être est-ce lié aux cinq décennies qui nous séparent, mais je trouve que pour le coup Marco Bellocchio a eu la main un peu lourde dans la démonstration, indépendamment de la pertinence absolue du sujet et de sa brûlante actualité : l'agenda politique franchement sinistre de grands magnats qui dirigent leur empire médiatique de la plus vile et la plus manipulatrice des manières. À notre époque où Vincent Bolloré rachète le JDD pour y placer un Geoffroy Lejeune, où Bernard Arnault rachète l'école supérieure de journalisme de Paris histoire de former les futurs suppôts du néolibéralisme et de la post-vérité, on peut difficilement ne pas ressentir l'irrépressible modernité du discours que contient "Viol en première page".

Le problème à mes yeux tient à la dimension programmatique du film et à son écriture pour rendre compte de l'exploitation d'un fait divers, à des fins éminemment politiques, par un rédacteur en chef d'un grand quotidien de Milan. Le plus "drôle" dans l'histoire étant que deux ans après la sortie du film, un vrai journal "Il Giornale" sera créé et nourrira les desseins politiques de Berlusconi... fiction et réalité intiment mêlées. Gian Maria Volonté est très bon, tout en retenue dans ce rôle (assez proche en cynisme de celui dans "Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon"), mais son interprétation ne suffit pas à insuffler la nuance nécessaire à la dénonciation socio-politique qui est devenue, avec le temps, parfaitement (et malheureusement) évidente. La presse conservatrice et réactionnaire utilisant un fait divers sordide pour d'une part faire de la gauche un bouc émissaire (au moyen d'un coupable étudiant contestataire) et d'autre part dérouler son agenda politique : la chose est illustrée un peu platement, sans faute de goût mais sans trop de talent non plus il me semble. J'ai bien aimé le ton réaliste mais les rouages de la manipulation médiatique restent très classiques, avec quelques accents symboliques un peu maladroits (les égouts du plan final par exemple). La collusion médias / politique / police, une constante.

"La police réprime, le juge condamne, la presse dirige l'opinion. Chacun au fond fait son devoir. Ce sont les ouvriers qui ne jouent pas le jeu ! Ils ne travaillent pas assez, s'en fichent et son exigeants !"

Nomades du nucléaire
6.3
758.

Nomades du nucléaire (2023)

1 h 13 min. Sortie : 2023 (Allemagne).

Documentaire de Tizian Stromp Zargari

une critique.

Annotation :

Petite virée en compagnie de quelques travailleurs de la sous-traitance de l'industrie nucléaire française, sur un secteur de niche : la maintenance de matériaux au cœur des réacteurs des centrales. On pourrait penser spontanément à un métier très conventionnel, mais les quatre employés que l'on suit dans "Nomades du nucléaire" vivent toute l'année dans des camping-cars, sillonnant la au gré des besoins et des interventions. La caméra de Kilian Armando Friedrich et Tizian Stromp Zargari ne pourra bien entendu jamais pénétrer dans l'enceinte des centrales, mais les gigantesques tours de refroidissement feront constamment partie de l'arrière-plan de ces travailleurs toujours en déplacement, toujours à la recherche d'une place de camping où garer leurs véhicules non loin de leurs lieux de travail.

Les agences d'intérim les qualifient de nettoyeurs de réacteurs nucléaires, et ils sont à ce titre exposés à des doses de radiation très élevées en itinérance d'une centrale à l'autre, et leur préoccupation majeure, commune à tous même si leurs chemins ne se croisent pas, ne tardera pas à s'esquisser : vont-ils aujourd'hui recevoir "LA" dose, c'est-à-dire une quantité de radiation trop importante qui les empêchera de travailler pour un jour, une semaine, un mois, et parfois plus ? Une incertitude majeure qui structure leur emploi du temps professionnel, ce dernier ayant une incidence écrasante sur leur vie personnelle évidemment. En échange d'un salaire important (et encore, c'est à relativiser étant donnée l'ampleur du risque encouru et des contraintes imposées), ils sont toujours sur le qui-vive, prêts à être envoyés en mission à l'autre bout du pays. Tous pensent à l'après, quand ils auront amassé suffisamment d'oseille, pour construire une petite maison dans la forêt, pour redre la famille, pour partir ailleurs dans "l'après nucléaire"

La dose annuelle maximale est donc là, comme une épée de Damoclès tout au long de l'année, avec l'espoir permanent de gagner assez d'argent avant la prochaine période d'employabilité. Drôle de conception néolibérale du travail pour un secteur comme celui du nucléaire, où l'on n'imaginerait pas forcément une telle externalisation et une telle réduction de la charge salariale... Le docu en fait parfois un peu trop avec son paysage sonore angoissant très appuyé (qui s'accorde assez bien aux environnements nocturnes cela dit), mais il a le mérite immense de témoigner de ce monde parallèle et de ces vies périphériques.

Humoresque
7
759.

Humoresque (1946)

2 h 05 min. Sortie : 19 septembre 1947 (). Drame, Romance, Musique

Film de Jean Negulesco

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Romance un peu poussive dans la dimension de la contrainte entre le violoniste de génie John Garfield et la personnalité mondaine Joan Crawford. C'est dommage car "Humoresque" fait la part belle à la musique classique et met les bouchées doubles en grands classiques, avec de nombreuses séquences portant sur des orchestres, des représentations, etc. ce qui a son charme en soi. C'est une belle réflexion sur la puissance de la ion (le violon ici) et sa capacité à entraver d'autres ions (amoureuses, donc, en l'occurrence). Mais pour le reste j'ai trouvé que les personnages étaient très excessifs dans chacune de leurs mentalités, et notamment Crawford initialement souveraine et hautaine qui terminera malmenée par un chagrin d'amour sur un bord de plage (je ne sais plus dans quel autre film l'eau de l'océan était montré comme un potentiel à suicide). J'aime bien la back story concernant Garfield avec le violon qui l'attirait plus que la batte de baseball enfant, et la famille autour de l'épicerie, mais malgré tout Garfield est infiniment moins crédible en violoniste de renommée internationale qu'ne boxeur (cf "Body and Soul" de Robert Rossen, 1947). Dans ces conditions, on a la sensation qu'un petit bout de scénario est étiré de manière disproportionnée et finit par tomber dans un cycle de répétitions peu fructueuses (elle picole pour 10, lui ne lâche pas son violon) — les séquences musicales finissent par perdre tout leur charme à cause de ça. Le pote au piano aussi a perdu en intensité comique il me semble. Il manque de la matière dans la case "rapport d'attirance et de répulsion vis-à-vis de la haute société et autres désirs de revanche sociale".

Juré n°2
6.7
760.

Juré n°2 (2024)

Juror #2

1 h 53 min. Sortie : 30 octobre 2024 (). Drame, Thriller

Film de Clint Eastwood

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Il y a un petit côté inattendu de la part de papi Eastwood, qu'on croyait perdu dans les eaux de la sénilité (son dernier "Cry Macho" était une pilule bien amère à avaler), et qui parvient à produire un film de cet acabit à l'âge avancé de 94 ans. "Juror #2" est un film de prétoire qui investigue les territoires de la morale états-unienne telle qu'on la connaît trop bien dans ce référentiel — États-Unis + Clint — mais il y a un effet positif de dynamique et de contraste qui personnellement me donne envie de témoigner une certaine magnanimité à l'égard de ce film qui pourrait être son testament.

C'est un film qui avance plusieurs pions d'entrée de jeu un peu trop gros pour er inaperçu : on nous demande d'accepter la situation invraisemblable où un juré se trouve directement impliqué dans l'affaire sur laquelle il va devoir statuer mais en plus la mise en scène nous montre de manière parfaitement limpide la réalité des événements. Mais c'est pour mieux placer l'ambiguïté ailleurs bien sûr. Eastwood, comme à son habitude, veut titiller quelques zones de confort en matière de morale en opposant justesse d'une décision de justice et vérité.

Les arguments sont très simples : Nicholas Hoult est un mari et futur papa exemplaire, ancien alcoolique, il se remet de la fausse couche de sa femme, et il a en toute bonne foi renversé une personne sans le savoir un soir d'orage, pensant avoir heurté un cerf. Sur la base de ce canevas très basique tient pourtant des responsabilités d'une autre amplitude, puisqu'il va se retrouver piégé entre faire condamner un innocent et mettre sa vie de famille en péril. Bon ben sur le plan de la morale stricte, pour moi y'a pas photo... M'enfin, pour faire un film, on le fait douter et on le charge d'une mission impossible, faire innocenter le coupable pour que tout rentre dans l'ordre — ce qui donnera au deuxième tiers du film un petit côté "12 Angry Men", quand il essaie de convaincre les autres jurés.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_2024/3769454

761.

El Capitan (1978)

55 min. Sortie : 1978 (États-Unis). Sport

Documentaire de Fred Padula

une critique.

Annotation :

Curieux court documentaire à consonance artistique né au creux d'une équipée de quatre grimpeurs américains à la fin des années 1960, retraçant l'une des premières ascensions du célébrissime El Capitan par la grande voie sans doute la plus mythique, The Nose. Une paroi monolithique de près de 1000 mètres dont l'escalade sera à nouveau documentée en 2018 dans "Free Solo" (de Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin) — mais dans un contexte complètement différent, sans aucune corde ni matériel d'assurage, par le grand malade Alex Honnold.

Plus qu'un documentaire à proprement parler, "El Capitan" est un collage de scènes de grimpe où l'on voit trois gars (Gary Colliver, Richard McCracken, et Lito Tejada-Flores, le quatrième Glen Denny tenant la caméra tout en réalisant lui aussi l'ascension) qui arpentaient El Cap au milieu de la vallée du Yosemite dans les années 60/70 avec les techniques et le matériel de l'époque — et la pratique a beaucoup changé, sans surprise. Quelques ages très esthétiques, à l'instar de séquences magnifiant la lune en téléobjectif, astre immense laissant entrevoir une silhouette minuscule sur une paroi verticale, et quelques ages incroyables, comme les séquences de bivouac au bord de micro-corniches (l'ascension a duré 3 jours) et de pendule pour accéder à une prise éloignée, ou encore cette scène où ils se retrouvent dans le noir, à la bourre et rattrapés par la nuit, dans laquelle un des types tombe après qu'un point d'ancrage cède... Heureusement, le coinceur précédent a tenu bon et lui a sauvé la vie.

La Colline des potences
7.2
762.

La Colline des potences (1959)

The Hanging Tree

1 h 43 min. Sortie : 20 mars 1959 (). Western

Film de Delmer Daves

une critique.

Annotation :

Ce western de Delmer Daves, qui sera son dernier au même titre que celui de son interprète principal Gary Cooper (il mourra quelques années plus tard), dégage un charme léger qui lui permet d'accéder au statut de sur-western (au sens où l'entendait André Bazin, c'est-à-dire un western qui a conscience des limites du genre et qui essaie de produire quelque chose au-delà des codes stricto sensu) pas tout à fait désagréable malgré, précisément, les limites du genre.

On cite souvent les ambiguïtés qui découleraient du personnage de Cooper... vaste blague tant il correspond à un archétype westernien du faux gentil pas gentil, à savoir un bon gars qui baigne dans son é trouble et qui parfois laisse échapper quelques écarts. Mais à aucun moment on ne doute vraiment de quoi que ce soit en termes de moralité, c'est de la fausse violence, de la fausse impulsivité, etc. On voit trop les coutures de ces écarts de conduite, on voit trop le scénario essayer de nous expliquer que sous les habits d'homme dur se cache un cœur grand comme ça. C'est plutôt partout ailleurs que l'intérêt se manifeste, à commencer par les personnages qui souffrent de ses manipulations, Ben Piazza son serviteur contraint et Maria Schell la Suissesse blessée et temporairement aveugle. Il y a aussi Karl Malden qui vaut un peu le détour, ce personnage présenté comme gentil sauveur initialement qui se transformera en pervers cupide par la suite (un potentiel pas tout à fait exploité) ou encore George C. Scott pour son premier rôle en fou de dieu alcoolique.

Sur le plan du discours sur le lynchage, le film étale une morale simpliste pas très intéressante, loin derrière un film comme "The Ox-Bow Incident" pourtant sorti 16 ans avant (souvenirs à confirmer), qui ne semble pas avoir bénéficié d'une écriture digne de ce nom — tout s'envenime soudainement à la fin et le docteur reprend confiance en l'amour et la nature humaine, blablabla. J'aurais bien aimé voir davantage de détails sur la ville champignon en contrebas de la colline, sur l'orpaillage et sur la fièvre de l'or. Accessoirement, j’ai appris une nouvelle définition moins déviante du "glory hole", ici un gros filon d’or sous un arbre.

Monsieur Vincent
7
763.

Monsieur Vincent (1947)

1 h 51 min. Sortie : 5 novembre 1947. Biopic, Drame, Historique

Film de Maurice Cloche

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

Un film vaguement biographique retraçant la vie de Saint Vincent de Paul au XVIIe siècle qui ressemble à une hagiographie pastorale et religieuse typique du classicisme suranné du cinéma français des années 1940. À ce titre je n'ai trouvé que très peu d'intérêt à l'interprétation de Pierre Fresnay, qui est de tous les plans, avec un maquillage plus ou moins prononcé selon la saynète en question et l'âge de son personnage. C'est un récit empêtré dans sa dimension très scolaire qui e deux heures à montrer les efforts invariables du protagoniste à créer un espace de paix et d'harmonie au sein d'un territoire social gangréné par les inégalités et la peste noire... Pas la plus aisée des missions, on en conviendra. Mais bon, le gars réalise son œuvre de charité comme une mission à la vie à la mort, et accepte tous les obstacles qui se dressent sur sa route : les vignettes défilent, mais le comportement reste globalement identique, on a connu des biopics plus ionnants. La vie d'un curé qui aura é sa vie auprès des plus pauvres et des plus démunis, il y a quand même quelque chose de tout sauf surprenant là-dedans, et le précepteur qui vient en aide aux miséreux en toutes circonstances, faisant éclater la réalité de l'ignominie à la face des nobles, finit par lasser. Quelques ages moins soporifiques que d'autres (Richelieu qui le nomme aumônier des galères royales par exemple), Michel Bouquet et Jean Carmet dans la toile de fond (je ne les ai même pas remarqués), et un discours assez peu consistant sur la négation de la pauvreté dans les castes aisées qui font tout ce qu'ils peuvent pour invisibiliser cette dernière. Same old, same old.

La Maison au fond du parc
4.9
764.

La Maison au fond du parc (1980)

La Casa sperduta nel parco

1 h 31 min. Sortie : 1980 (). Thriller, Épouvante-Horreur

Film de Ruggero Deodato

Morrinson a mis 1/10.

Annotation :

Navet de première catégorie dans le registre de la série B horrifique, slasher décérébré appartenant à la sous-catégorie du rape & revenge qui n'avance même pas honnêtement, c'est-à-dire comme un remake non-avoué de "The Last House on the Left" (Wes Craven, 1972, et d'après mes souvenirs très légers ce n'était déjà pas un chef-d'œuvre), dans lequel David Hess jouait déjà au creux d'une trame narrative franchement très similaire. Le gars a clairement la gueule du métier, il est un peu né pour jouer ce genre de psychopathe, mais c'est quand même le roi de la saucisse en matière d'interprétation, on nage en plein délire de médiocrité.

En 1980 Ruggero Deodato sortait de son "Cannibal Holocaust", très bourrin mais qui avait certains mérites il me semble (à confirmer). Là, on est vraiment dans la fange voyeuriste d'un cinéma qui se prend pour profond et puissant alors qu'on est simplement face à une nullité absolue, une démonstration de bêtise crasse, un téléfilm simili porno qui essaie de nous faire croire qu'il a quelque chose d'intelligent à avancer et à révéler. Mais bon sang que c'est maxi naze... Et ouvertement complaisant dans l'esthétisation constante des scènes de viol, invariablement tournées dans un cadre érotique. Les deux truands sont des gros débilos, garagistes le jour et violeurs la nuit, avec le cerveau et le demeuré, belle paire de crétins. "La Maison au fond du parc" cache très mal son jeu pendant 1h30 et tente de nous faire un all-in dans les dernières minutes : renversement de perspectives, allégorie sur fond de lutte des classes, en réalité c'était les petits bourgeois qui avaient tendu un piège aux prolos dégénérés. Enfin, l'un d'entre eux, mettant à ce titre en danger ses potes, mais bon, c'est un détail à l'échelle de la connerie du scénario.

Dialogues globalement ineptes, perversité inopérante, prétentions du côté du choquant et de l'immoral... Mais uniquement le représentant de ce cinéma d'horreur un peu prétentieux qui déverse un torrent d'immondices en prétendant élever le spectateur.

Le Roman de Jim
6.7
765.

Le Roman de Jim (2024)

1 h 41 min. Sortie : 14 août 2024. Comédie dramatique

Film de Jean-Marie Larrieu

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Pas hyper emballé par la qualité globale d'interprétation, entre Karim Leklou en brave gars mollasson qui nous sort un numéro de Don Juan improbable, Laetitia Dosh en grosse connasse prête à tout (y compris les pires mensonges) pour son bonheur personnel, Bertrand Belin en dépressif exilé à la campagne, Sarah Giraudeau en grosse fan d'électro (parce que ça fait trop tendance), et Andranic Manet franchement gauche, la galerie fait vraiment peine à voir. L'histoire n'est pas stupide en elle-même, et en s'éloignant des Pyrénées vers le Jura les Larrieu n'ont pas tant changé le fond de leur univers : "Le Roman de Jim" aborde la question de la paternité sous un angle original, en faisant de la paternité de circonstance, père d'appoint contre père biologique, un non-événement bienvenu. J'aime bien comment le personnage de Leklou prend ce rôle-là sans que ça ne se présente comme une aspérité — au moins durant une longue première partie. C'est après que les choses se gâtent, et le scénario nous entraîne dans une série de péripéties improbables ornées de comportements absolument incohérents en plus d'être pas très bien filmés. Les ellipses au cinéma ne sont pas contre indiquées, mais quand elles sont utilisées de la sorte, elles font davantage cache-misère et laissent autour des personnages de gros pans transparents qui rendent toute la structure trop bancale. La séparation avec voyage au Canada, la réconciliation finale le soir du concert... Tout ça ne se fait que dans l'esquisse bâclée, où la légèreté du trait ne laisse jamais place à une élégance du croquis : c'est plutôt trop léger. C'est dommage car cela enferme le film dans un carcan inoffensif, empêtré dans ses romances qui se scellent en 2 minutes montre en main et des règlements de comptes au milieu d'une via ferrata.

Les Voisins de Joe Leahy
7.9
766.

Les Voisins de Joe Leahy (1989)

Joe Leahy's Neighbours

1 h 30 min. Sortie : 27 avril 1989 (Australie).

Documentaire de Robin Anderson

une critique.

Annotation :

Le premier film de la trilogie papoue réalisée par Bob Connolly et Robin Anderson, "First ", produit pour la télévision australienne, était intimement lié à la découverte de bobines de films datant des années 1930 : on pouvait y voir la première rencontre entre des chercheurs d’or australiens et des tribus de Papouasie-Nouvelle-Guinée. C'était le premier niveau d'un regard sociologique sur l'acte de l'exploration, au sens un peu aventurier, mais en premier lieu avec tout ce qu'il pouvait contenir en termes colonisateurs et corrupteurs. "Joe Leahy's Neighbours", à l'inverse, peut être vu comme le premier travail authentique de mise en scène de la part de Connolly et Anderson : un tournage de 18 mois aux côtés de Joe Leahy, le fils métis d'un des trois frères colons et d'une aborigène, à la fin des années 1980.

Joe est un riche propriétaire de plantations de café, et il incarne en quelque sorte l'étape suivante dans la marche de la colonisation de ce territoire : après l'asservissement des populations locales par les explorateurs australiens, Joe appartient à la génération des exploiteurs de l'ère suivante dont l'ascension sociale ne tient qu'à sa proximité culturelle initiale avec les tribus en question (les voisins Ganigas éponymes) et à sa capacité de mettre à profit cette double identité afin de convertir les papous à la société de consommation. "Les Voisins de Joe Leahy" montre ainsi la transition capitaliste de sociétés traditionnelles et ces images n'ont vraiment pas de prix. La caméra des documentaristes capte ces moments qui appartiennent à un entre-deux ionnant, entre système tribal et promesses de profits futurs. Joe le métis embourgeoisé exploite ses proches façon Toussaint Louverture (©Stimmung) en Haïti.

"Joe Leahy's Neighbours" illustre avec un degré d'immersion et d'efficacité difficilement contestable cette société locale, son organisation, et surtout le rôle joué par Joe entre deux mondes. Acteur majeur de l'exploitation des terres des Ganigas, au comportement prédateur typique du capitalisme (60% des bénéfices issus de la culture du café pour lui, ce qui reste pour l'ensemble de la tribu), au creux de nombreuses dynamiques — toutes aussi effroyables que fascinantes.

Gerontophilia
5.8
767.

Gerontophilia (2014)

1 h 22 min. Sortie : 26 mars 2014 (). Comédie romantique

Film de Bruce LaBruce

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Drôle d'expérience qu'aborder la carrière d'un des plus sulfureux réalisateurs canadiens, réputé pour ses pornos homos et trash, par un de ses films récents qui doit probablement se situer en tête de la shortlist des films que l'on peut considérer comme "normaux" — au sens "regardable en compagnie d'une personne à peu près normale sans gêne notable". Je connais le nom de Bruce LaBruce aka BLaB depuis longtemps sans jamais avoir vu le moindre bout de ses films, mais je ne m'attendais clairement pas à ça.

Tout est dans le titre, bien sûr, et l'histoire de cette gérontophilie découverte sur le tard (mais qu'on imagine latente chez le personnage principal, voire refoulée) commence par cette révélation, tandis que Pier-Gabriel Lajoie le maître-nageur fait du bouche-à-bouche à un vieil homme qui s'est noyé dans la piscine, et qu'une érection incontrôlée l'incommode. Séquence suivante, il abandonne les piscines pour travailler dans une maison de retraite... Le gars est pragmatique, on ne pourra pas lui reprocher cela.

Je ne sais pas si c'est LaBruce qui n'est pas un très bon directeur d'acteur ou si ce sont les acteurs eux-mêmes, mais il y a ce sentiment que quelque chose cloche pendant tout le film, le héros est un peu trop effacé, la mère un peu en roue libre, et le personnage du vieil amant (Walter Borden) pas tout à fait à la hauteur de la mission. Reste que cette relation naissant entre Lake et M. Peabody se fait sur des bases fétichistes pour évoluer vers des sphères romantiques beaucoup plus conformes, apaisées, dès lors que les deux s'enfuient en road trip. À partir de ce moment, "Gerontophilia" s'enferme dans un schéma assez conventionnel de "dernier voyage avant la mort". Les deux hommes qui n'auraient jamais dû se rencontrer, sans aucune composante trash dans la comédie romantique, empruntent un chemin léger et plein de tendresse assez insoupçonné. Un bon point.

Sons
6.4
768.

Sons (2024)

Vogter

1 h 40 min. Sortie : 10 juillet 2024 (). Drame, Thriller

Film de Gustav Möller

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Ce thriller très sérieux en milieu carcéral a été quelque peu entaché par un biais hautement subjectif : l'actrice principale dans le rôle de la gardienne de prison exemplaire pétant un câble lorsqu'un certain détenu arrive dans son établissement, interprétée par Sidse Babett Knudsen, m'a instantanément fait penser à une Laure Calamy danoise... Et ce durant tout le film, ce qui n'aide pas vraiment à l'immersion dans cet univers sordide et dur, malgré les efforts nourris de Sebastian Bull Sarning dans le rôle de l'antagoniste pour camper un prisonnier très menaçant.

Gustav Möller est le réalisateur de "The Guilty", donc on l'attend un peu au tournant quand il revient avec un nouveau huis clos, moins conceptuel, moins enfermé (alors qu'on est dans une prison). Mais c'est un film très différent, qui avance des cartes qui n'ont rien à voir. Elles sont un peu décevantes d'ailleurs, pour certaines d'entre elles, lorsqu'il s'agit de dérouler la pelote d'un scénario un peu trop lourd dans ses effets (voire dans sa complaisance vis-à-vis du sordide), sur le thème de la matonne parfaite qui devient du jour au lendemain perverse lorsqu'elle entre en avec le meurtrier de son fils — lui-même détenu et mort en prison. À cause de ça on prend un peu en grippe les incohérences / invraisemblances qui font de l'héroïne une femme qui semble à même de faire à peu près ce qu'elle veut dans l'institution sans être repérée / filmée / dénoncée.

Dommage, donc, car au-delà de ce faux secret, on aurait pu avoir un thriller bien plus prenant dans le mal grandissant en elle, en faisant un affrontement entre deux bêtes violentes. Ou encore en se focalisant sur l'ascendant de la gardienne de prison et sur les abus de pouvoir, en se consacrant à l'écriture d'un scénario moins faiblard. En ces termes, le thème de la vengeance ou du pardon (et de l'éternelle question : qui des deux est le vrai monstre ?) est un peu étriqué.

769.

Home Is Somewhere Else (2022)

1 h 27 min. Sortie : 2023 (Mexique). Animation

Documentaire d'animation de Jorge Villalobos

une critique.

Annotation :

Trois récits documentaires, trois histoires d'émigration de jeunes Mexicains, trois styles d'animation pour les raconter. Derrière les dessins animés, les voix de ces personnes au statut particulier en lien avec l'absence de papiers : une fille de nationalité américaine dont les parents sans-papiers sont sur le point d'être renvoyés ; deux sœurs déchirées de part et d'autre de la frontière, n'ayant pas les mêmes droits et les mêmes nationalités ; un jeune militant emprisonné et extradé au Mexique.

"Home Is Somewhere Else" esquisse l'état d'esprit de ces jeunes, avec leur famille, leurs rêves, leurs déboires, leurs angoisses. Trois témoignages narrant ce qu'est la vie aux États-Unis dans un tel contexte, migrant directement sans papiers ou affecté par cette problématique de manière plus indirecte. Jasmine parle du sort de ses parents en utilisation un vocabulaire particuliers : elle a peur que ses parents soient déportés. Evelyn et Elizabeth partagent leurs vies par téléphone, séparées par leurs statuts d'immigration respectifs. José "El Deportee" mélange les langues anglaise et espagnole pour relater ses ages en centre de détention, adolescent, avant d'être chassé à la frontière.

Aucune destinée extraordinaire ici, simplement des personnes normales qui endurent des situations douloureuses, avec les quelques petites victoires récoltées sur le chemin. Trois visions de stigmatisation, avec des degrés d'oppression différents, et cette sensation d'être prisonnier d'un piège, perdu quelque part entre le Mexique et les États-Unis.

Rio Lobo
6.5
770.

Rio Lobo (1970)

1 h 54 min. Sortie : 10 mars 1971 (). Western

Film de Howard Hawks

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Il a un côté touchant ce vieux western tout poussiéreux, le dernier de Howard Hawks, sorti tardivement en 1970. Touchant parce que papi Hawks radote un peu, "Rio Lobo" n'apportant pas grand-chose de plus que "Rio Bravo" et "El Dorado", et aussi parce qu'on voit John Wayne traîner sa vieille carcasse de géant avec beaucoup de peine — sans doute la seule configuration qui me fait éprouver un peu de sympathie pour l'acteur de 63 ans qui en paraissait bien 10 de plus. Ça ne me fait pas aimer ce scénario et cette mise en scène, toujours aussi peu stimulant intellectuellement, avec en l'occurrence ici la guerre de Sécession vue comme des disputes d'enfants dans la cour de récréation dans une introduction affreusement poussive montrant, oh la subversion, des Yankees et des Johnny Rebs sympathiser. Et cette vision complètement misogyne de la femme n'aide pas à relever le niveau de ce registre cinématographique qui finira décidément enterré avec son public de boomers.

D'un côté des aspects très enfantins, l'attaque du train avec le coffre rempli d'or à l'aide d'essaim de frelons, les bagarres incessantes, etc. Et de l'autre ce côté très réac du cinéma américain classique, avec l'honneur bafouée par une trahison et un crime qui perdure au-delà de la guerre — l'idée est séduisante, bien que pas novatrice, mais ici tout est tourné vers la poursuite d'un traître caricaturé en bon gros méchant. On sent qu'on touche à la pente crépusculaire du western traditionnel, et on a même droit à Wayne se faisant vanner à divers titres — il est gros, des jeunes le traite de grosse baleine ; il est vieux, une femme le qualifie de confortable pour la nuit ; il est mauvais acteur, un dentiste doit lui faire mal pour de bon. Le film joue à fond la carte de la nostalgie, et on peut supposer qu'elle parlera au public ciblé, avec les complicités d'anciens ennemis qui se retrouvent derrière des valeurs communes, les romances filmées comme un acte pré-adolescent (le coup sous le lit), les vieux bougons alcooliques sympathiques (Jack Elam et son célèbre strabisme), et même ce que certains qualifieront de féminisme bourgeonnant (on s'étouffe quand même, aux côtés de Jennifer O'Neill).

"The Wild Bunch" était sorti un an auparavant. En comparaison, le scénario de "Rio Lobo" paraît sortir du siècle précédent et l'humour englué dans sa lourdeur pachydermique.

Memories of Murder
8.1
771.

Memories of Murder (2003)

Salinui Chueok

2 h 10 min. Sortie : 23 juin 2004 (). Policier, Drame, Thriller

Film de Bong Joon-Ho

Morrinson a mis 7/10.

Annotation :

[ Revu ]

Manifestement on ne regarde pas un film de la même façon à 20 ans ou à 30 ans, au début d'une cinéphilie naissante ou après des années de cinéphagie aguerrie. Je revois "Memories of Murder" probablement 12-13 ans après ma première rencontre, à l'époque où le cinéma sud-coréen s'ouvrait à moi et où je n'avais absolument aucun filtre, aucun if, aucun recul en la matière. Non pas que ce soient des conditions nécessaires pour pouvoir correctement apprécier un film, mais en tous cas c'est un cadre qui change énormément la façon dont on le reçoit. Et puis cela fait des années que je me retiens de changer la note, persuadé qu'elle n'était plus conforme à mes yeux lessivés par les toiles...

Retour aux débuts d'un courant, un peu à la matrice de la Nouvelle Vague coréenne, et aux presque débuts de Bong Joon-Ho qui posait tout de même ici les bases d'un registre et de codes qui seront repris des milliers de fois dans les décennies à venir. Un thriller, des ambiances nocturnes, un contexte historique particulier, un mélange de noirceur et de bouffonnerie, une critique à peine déguisée de son pays... On a l'impression de décrire quelque chose d'affreusement générique si on le lit aujourd'hui, mais mine de rien le film a dû faire son petit effet à l'aube des années 2000.

Pour en avoir vu beaucoup depuis, je suis surpris de constater que "Memories of Murder" n'est pas un condensé de pitreries comme mes souvenirs l'avaient retenu : certes, la police est bien montrée dans toute son incompétence, elle bosse mal, elle se vautre régulièrement, bref, si le tueur n'est pas arrêté on sait pointer les responsables sans souci. La dépendance aux États-Unis est déjà esquissée ici, au travers de l'analyse ADN qui ne peut être réalisée en Corée. Sur le registre du thriller pur, il y a de quoi être surpris aussi, étant donné que l'enquête se résume essentiellement à une série d'imes et d'obstacles, elle ne progresse que très rarement de manière constructive et elle peut à ce titre être source de nombreuses déceptions.

Suite
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Black Harvest
7.8
772.

Black Harvest (1992)

1 h 30 min. Sortie : 4 avril 1992 (Australie).

Documentaire de Robin Anderson

une critique.

Annotation :

"Black Harvest", c'est déjà un très beau titre : la récolte noire. Noire comme les grains de café noircis quand on les récolte trop tardivement et qu'ils pourrissent. Noire comme la récolte de la colère et point d'orgue d'un schéma d'exploitation capitaliste. Noire comme les membres de la tribu ganiga qui sont employés comme des esclaves. Et enfin noire comme la guerre tribale qui éclatera au cours du tournage du documentaire entre tribus rivales.

Troisième volet de la trilogie papoue réalisée par Bob Connolly et Robin Anderson, troisième temps dans l'histoire de la colonisation de cette région de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui n'avait jamais eu de avec le monde extérieur jusque dans les années 1930 (racontée dans le premier film, "First ", 1983) et qui avait ensuite suivi le parcours presque méthodique de la prédation capitaliste au travers du fils métis d'une Ganiga et d'un colon blanc, Joe, et de ses plantations de café (l'objet de "Les Voisins de Joe Leahy", 1989"). "Black Harvest" présentera quant à lui un troisième aspect de cette histoire de colonisation s'étalant sur un petit siècle, sans doute le plus dur : l'onde de choc provoquée par la chute du cours du café à la bourse mondiale et ses répercussions dramatiques sur toute une communauté papoue.

Connolly et Anderson avaient prévu de revenir quelques années après la fin du tournage de "Joe Leahy's Neighbours", pour suivre les promesses de Joe qui avait exploité de manière acharnée des centaines de Ganigas en leur promettant qu'ils accèderaient à la fortune eux aussi, comme lui, s'ils se tuaient à la tâche comme il le leur demandait pendant toutes ces années. Quand les documentaristes australiens revinrent, ce fut l'exact opposé qui arriva : le cours du café en chute libre poussa Joe à exploiter toute la tribu encore davantage, en réduisant encore davantage les coûts (c'est-à-dire en demandant à ses congénères de travailler presque gratuitement aussi longtemps qu'il le faudra). L'exploitation ne connaît aucune limite, mais visiblement les Ganigas avaient atteint leur seuil de tolérance et des actes de rébellion commencèrent à bourgeonner. Les réalisateurs adaptèrent les conditions de tournage aux événements particulièrement intense en restant vivre sur place pendant une année complète.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_1992/373218

Hors du temps
4.9
773.

Hors du temps (2024)

1 h 45 min. Sortie : 19 juin 2024. Comédie dramatique, Romance

Film de Olivier Assayas

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Inable caricature de cinéma d'auteur français qui se plaît à discourir des heures pour ne rien dire tout en racontant sa vie personnelle et en croyant que cela présente un intérêt quelconque pour le reste de l'espèce. Olivier Assayas a é le confinement de 2020 avec son frère Michka et leurs épouses respectives dans une grande maison de campagne familiale, et "Hors du temps" raconte bien péniblement la liste des chamailleries entre les deux hommes — les femmes sont relativement réduites à des occupations d'arrière-plan, yoga, tennis, et interruption pendant des visios. C'est nul, c'est pénible, c'est soporifique. Une voix off absolument atroce (Assayas himself) introduit le contexte, essaie de se faire romanesque, trace sa route à partir d'influences Nouvelle Vague indigentes, bref, rajoute un soupçon de pénibilité dont le reste du film n'avait vraiment pas besoin. Macaigne compose un des personnages parmi les plus crispants que j'ai connus de sa part, un gars complètement névrotique paralysés par les risques liés au covid et sous le jour des mesures préventives : intérêt comique proche du néant. Les tensions qui émergent entre les personnages sont insignifiantes, tout comme les bavardages inconséquents de ces privilégiés. Poussif, inefficace, mal interprété, satisfait de ses citations incessantes, et vraiment pas drôle.

Flow - Le chat qui n’avait plus peur de l’eau
7.4
774.

Flow - Le chat qui n’avait plus peur de l’eau (2024)

Straume

1 h 24 min. Sortie : 30 octobre 2024. Animation, Aventure, Fantastique

Long-métrage d'animation de Gints Zilbalodis

Morrinson a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Preuve qu'il y a encore de l'espace pour produire du cinéma d'animation original avec probablement quatre bouts de ficelles — tout en sachant que Gints Zilbalodis avait réalisé son précédent film "Ailleurs", que je n'ai pas vu, littéralement tout seul. J'avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans l'univers à cause du trait, les textures graphiques étant un peu bizarres, avec cet effet jeu vidéo qui de prime abord produit un certain inconfort chez moi. Mais peu à peu, si tant est qu'on parvient à l'accepter, cet univers 3D finit par laisser glisser la caméra et donne lieu à une animation dotée d'une très appréciable fluidité.

Très peu d'anthropomorphisme dan "Flow", sans doute le plus grand condensé se retrouve dans l'une des dernières séquences avec la façon dont les animaux sauvent le capybara du bateau suspendu à un arbre avant que ce dernier ne sombre dans les profondeurs infinies. Mais pour le reste, c'est un régal d'animation, de poésie et de comportements animaux qui joue énormément avec les différentes catégories, le chat, le chien, le lémurien et le messager sagittaire — même si c'est surtout le chat dont la personnalité est explorée.

Très bel environnement, avec la montée des eaux présentée en même temps que les lieux dans lesquels évoluaient les animaux avant l'événement qui les projettera dans cet inconnu aquatique, et le voyage en bateau qui s'ensuivra. Pas de trace d'humains ou de comportements liés, ça fait du bien. Le discours sur l'union des différences, les parcours de rejet un peu commun aux quelques membres de l'équipage, et le sentiment de solidarité croissant manquent un peu de vigueur et résonnent un peu trop comme des notions scolaires, parfois. Mais l'originalité de la catastrophe, inexpliquée, impressionnante, est imposante, et suscite de nombreuses péripéties intéressantes en matière de survie. Évidemment le film met l'accent sur l'entraide nécessaire, mais cela se fait en parallèle de la dérive en bateau pour alléger le propos et laisser la tendresse déborder. Avec quelques très belles images, comme celle du chat tombant sur une baleine mourante. Un film d'animation à la fois contemplatif, cauchemardesque, attendrissant et éreintant.

775.

Atlantide (2021)

1 h 40 min. Sortie : 22 novembre 2021 (Italie). Drame

Film de Yuri Ancarani

une critique.

Annotation :

Fiction très décevante de la part du génial documentariste Yuri Ancarani, auteur des plus beaux courts-métrages en la matière, comme "Da Vinci" sur des opérations de chirurgie assistées par un bras robotique ou encore "Il Capo" sur un homme dirigeant des machines avec ses gestes dans une carrière de marbre. Cette déception était un peu attendue sur le terrain fictionnel, on aurait pu se douter que tous les dispositifs de mise en scène soigneusement millimétrés qui enrobaient à merveille des thématiques documentaires sur un format court se transformeraient en un terreau contre-productif si le fond n'était pas solide.

"Atlantide" a un sujet, un cadre : la périphérie de Venise, et l'équivalent local du tuning automobile, c'est-à-dire la modification de bateaux pour sillonner les lagunes à fond la caisse. Les lieux sont immédiatement photogéniques et on reconnaît tout de suite le style Ancarani chef opérateur à son sens du cadre et le style Ancanari monteur dans la découpe des séquences. C'est hyper méthodique, très carré, tranchant, on sent que pas grand-chose ne souffre d'approximation du côté de la technique. Mais voilà, suivre Daniele dans sa ion pour les courses de bateaux clandestines, au milieu des trafics de drogue et des romances contrariées, c'est vraiment à des années-lumière de ce qu'on connaît chez lui, et la fascination pour la photographie s'estompe malheureusement pour laisser place à un solide ennui.

L'univers décrit ici ressemble pourtant à une réalité parallèle, l'histoire de ces jeunes vénitiens et de leurs courses-poursuites fluviales avec la police a de quoi alimenter une atmosphère absorbante... Mais le scénario (plus ou moins improvisé à partir d'éléments réels accumulés sur plusieurs années) se perd en anecdotes et en trajectoire un peu stéréotypées — du type "je file tout droit vers un point de non-retour". Une sensation de superficialité émerge et s'installe jusqu'à la fin. Les speed boats tunés à gros moteur avec des néons rouge et vert sur fond de techno et de cocaïne, c'est stylé, et il y a quelques très belles scènes (des jeunes qui font la teuf avec en arrière-plan un immense paquebot de luxe qui défile), mais ça ne fait pas un film. Tout cela manque de focalisation.

Dahomey
6.8
776.

Dahomey (2024)

1 h 08 min. Sortie : 11 septembre 2024 (). Société

Documentaire de Mati Diop

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Intérêt très relatif et vraiment mineur pour le dernier film à caractère partiellement documentaire de Mati Diop, qui aborde un sujet au potentiel ionnant mais sans parvenir à en extraire une moelle consistante. Je suis assez surpris qu'un tel projet ait reçu l'ours d'or en 2024, mais bon, ça fait bien longtemps que ces prix n'ont plus aucune signification à mes yeux.

L'objet de "Dahomey", du nom de l'ancien royaume africain situé dans le sud de l'actuel Bénin, porte sur la restitution en 2021 de 26 trésors royaux qui dormaient tranquillement dans un musée parisien, résultat de pillages coloniaux à la fin du XIXe siècle. La première partie montre la mise en carton de quelques œuvres, le transport, et l'arrivée au Bénin — un age très long et assez peu intéressant, surtout pour un film d'à peine plus d'une heure. Dans la seconde partie, l'essentiel est consacré à un débat organisé entre étudiants d'une université, avec quelques réflexions / questions / discussions intéressantes mais globalement ce qu'on en tire reste très pauvre car très superficiel. Il y a toujours quelques éléments factuels bons à prendre, comme le fait que ce ne sont que 26 objets parmi des milliers qui seront peut-être restitués un jour futur. Pour le reste, j'ai la sensation que Diop a un peu échoué à retranscrire les questionnements existentiels, culturels, nationaux en lien avec la construction d'une identité dans un pays ainsi pillé. Le choix de la voix off portée par une statue à qui on aurait par cette entreprise rendu l'âme est aussi un semi-échec, pas franchement efficace sur le plan de la narration, du fantastique, ni même du documentaire. Une petite touche expérimentale qui aurait pu être bienvenue si la matière avait été conséquente à côté — une heure seulement tout en ayant le luxe de er du temps à montrer des images de vidéosurveillance et de couloirs vides, je ne trouve pas ça très convaincant. Les enjeux de la restitution restent à mes yeux (à tort ou à raison bien sûr) largement inexplorés.

Grande dame d'un jour
7.2
777.

Grande dame d'un jour (1933)

Lady for a Day

1 h 36 min. Sortie : 24 janvier 1934 (). Comédie dramatique

Film de Frank Capra

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

Un Capra très classique dans sa forme, sa dynamique narrative et ses sentiments socio-optimistes. On est pourtant au tout début de sa carrière, à l'orée des années 1930, et on a un peu l'impression que tous les ingrédients sont déjà réunis, peut-être pour la première fois. Il faudra atteindre une grosse dizaine d'années pour que la sauce catalyse en quelque chose de vraiment extraordinaire — "It's a Wonderful Life", 1946, est le Capra qui m'avait le plus violemment ému, mais bon, il faudrait encore une fois reer cela à travers le filtre de l'endurcissement.

On peut le voir sous différentes perspectives, mais il y a quand même quelque chose de très communicatif dans l'organisation chaotique et burlesques des événements autour de la "sacralisation" de Apple Annie, cette pauvre vendeuse de pommes dont la fille revient pour lui présenter son compagnon fortuné et qui doit ainsi s'assoir sur des années de mensonges. Très drôle de voir May Robson transformée du jour au lendemain de gueuse en membre de la haute société new-yorkaise, et tout aussi drôle de voir un gangster organiser une grosse fausse cérémonie en invitant tous les clochards du coin et les former aux salutations mondaines. Dans le registre des interprétations, grosse performance également de la part de Ned Sparks dans le rôle du trublion aux mimiques foutraques et aux répliques caustiques foudroyantes.

Intéressant aussi pour sa peinture sociale de l'époque, les États-Unis de la crise économique, avec les miséreux, les profiteurs, les mafieux et les arnaqueurs. Les mécanismes du mélodrame populaires sont assez attendus de la part d'un Capra mais cette variante de Cendrillon débouche sur une fable drôle et pas complètement inutile sur les apparences. La fibre humaniste du réalisateur est clairement là, elle est étalée en couches épaisses surtout à la fin, mais il suffit de quelques sas de décompression comme les parties de billard avec le juge imbattable ou les chaînes hiérarchiques qui s'abattent successivement par téléphone pour rendre la pilule moins amère et ce sans forcer. Capra n'est pas un grand penseur de la question sociale, mais les facilités d'écriture ne vont pas sans sa sincérité caractéristique.

À la recherche de Mister Goodbar
7.1
778.

À la recherche de Mister Goodbar (1977)

Looking for Mr. Goodbar

2 h 16 min. Sortie : 29 mars 1978 (). Drame

Film de Richard Brooks

une critique.

Annotation :

Un film à la croisée de plusieurs curiosités : un des derniers films de Richards Brooks après avoir traversé les décennies 1950, 1960 et 1970 ; un rôle pour le moins étonnant concernant Diane Keaton, très éloignée de ses pérégrinations comiques chez Allen à la même époque ; et un film du Nouvel Hollywood qui aborde le thème de la libération sexuelle sous un angle tout sauf émancipateur.

"Looking for Mr. Goodbar" pourrait se résumer à une étude de personnage, une jeune enseignante travaillant dans un centre pour enfants sourds qui se trouve écartelée entre différents pôles. D'un côté, elle subit de plein fouet l'oppression du carcan puritain au sein du foyer familial, avec tout ce que l'éducation catholique de ses parents peut suggérer en matière d'étouffement. De l'autre côté, un attrait grandissant pour les expériences sexuelles plus ou moins baroques, en tous cas très éloignées de ce à quoi son milieu culturel initial la destinait — un mari stable, des enfants bien élevés, tout bien rangé.

Il n'est pas évident de déterminer clairement ce que la trajectoire de Theresa, l'héroïne interprétée par Keaton, reflète dans le cadre de ces années 70 états-uniennes. On sent bien qu'elle se situe au cœur d'un mouvement de révolte, mais l'arrière-plan dans lequel ce dernier émerge ne correspond pas vraiment aux archétypes du genre. Pour le dire autrement, ce n'est pas en fuyant la prison familiale qu'elle trouvera son bonheur, et ce n'est pas en alternant des journées d'éducatrice sage avec des nuits à écumer les bars remplis de marginaux (dans les rangs desquels on compte un tout jeune Richard Gere dans l'un de ses premiers films) qu'elle accèdera à une position d'équilibre stable. On sent poindre une tendance à l'autodestruction en toile de fond, en marge de sa recherche d'un plaisir loin des tabous issus de son milieu, et cette tendance trouvera pour point de chute la séquence finale assez inoubliable, stroboscopique et violente.

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La Ferme des Bertrand
7.4
779.

La Ferme des Bertrand (2023)

1 h 22 min. Sortie : 31 janvier 2024. Société

Documentaire de Gilles Perret

une critique.

Annotation :

Il n'est pas rare de retrouver au cœur d'un documentaire consacré à un des mille fragments du monde paysan un personnage particulièrement attachant, tantôt bourru, tantôt calme, porteur local des moyens actuels de production agricole ou vestige d'un monde é. C'était les octogénaires Jules et Félicie dans le magnifique film de Dominique Benicheti, "Le Cousin Jules". C'était la famille Privat dans sa cuisine ou encore Paul Argaud allant acheter sa baguette en tracteur dans "Profils paysans" de Raymond Depardon. C'était Claudette dans "Sans adieu" de Christophe Agou, avec ses inoubliables jurons. C'était Alexis et Marie Tremblay chez Pierre Perrault pour le diptyque québécois "Pour la suite du monde" et "Le Règne du jour". Et dans "La Ferme des Bertrand", c'est André (ainsi que ses frères Joseph et Jean), dernier survivant de la fratrie, qu'il sera impossible d'oublier. Et pas uniquement à cause de sa camptocormie — son dos voûté formant presque un angle droit.

Gilles Perret, réalisateur haut-savoyard voisin de la ferme éponyme, croise trois époques dans ce documentaire d'une douceur incomparable. Le cheminement n'est pas chronologique et l'agencement des séquences permet de dégager les constantes ainsi que les ruptures sur une cinquantaine d'années : les premières images en noir et blanc de 1972, assez rares, montre la fratrie de trois éleveurs célibataires en train de casser du gros caillou afin de construire une étable de stabulation libre (disposition assez avant-gardiste à l'époque) ; en 1997, Perret leur consacre son premier film "Trois frères pour une vie..." au moment-clé de la transmission de la ferme à leur neveu Patrick et à sa femme Hélène ; et c'est donc 25 ans plus tard, en 2022, que le réalisateur se place aux côté d'Hélène, devenue veuve de manière très anticipée, fatiguée, pour observer une nouvelle ation à son fils Marc et son gendre Alex, en jouant avec les temporalités et en relevant les différentes évolutions de cette émanation du monde paysan.

On aura l'occasion de voir cette petite exploitation laitière familiale de Quincy sous toutes ses coutures, avec les images d'archive d'une incroyable valeur documentaire et avec les images modernes qui magnifient sans forcer les paysages de pâturage alpin. Même si l'essentiel du contenu est consacré au présent, on voit défiler trois générations sur la ferme …


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La
6.2
780.

La (2007)

1 h 42 min. Sortie : 21 novembre 2007 (). Drame, Guerre

Film de Serge Bozon

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

On ne pourra pas nier le caractère original du film de Serge Bozon, qui scrute les errements de Sylvie Testud aka Camille contrainte de se déguiser en homme pour accéder au front pendant la fin de la Première Guerre mondiale dans le but de retrouver son mari (Guillaume Depardieu, qu'on ne verra que quelques instants). Elle a reçu une lettre de rupture énigmatique et elle cherche à comprendre ce qui se cache derrière et s'en va à la guerre en plein bouleversement intérieur. Elle croise un groupe de soldats qui ne veulent pas d'elle (de lui) dans un premier temps, et elle parvient à intégrer la troupe au terme de plusieurs essais insistants. On apprendra plus tard qu'il s'agit de déserteurs (menée par Pascal Greggory) souhaitant redre la frontière hollandaise — quelques belles scènes comme celle où elle les retrouve tous perchés dans un arbre, façon conte pour enfants, lorsqu'un soldat e par là.

"La " revendique manifestement une ambiance spectrale pour évoquer la guerre de manière peu courante, et il y parvient sous certains aspects. Mais si plusieurs partis pris s'avèrent assez productifs (la photographie, le point de vue moral), j'ai trouvé que d'autres très connotés "film d'auteur très sérieux héritier de la Nouvelle Vague" plombaient l'ensemble de manière irrémédiable. Les parties chantées, par exemple, ne m'ont absolument pas convaincu. Je vois bien le contrepoint presque joyeux à la promesse de la mort, mais ça e pas. Pas plus que la séquence dans la grange où l'on film un viol et deux meurtres de manière assez désagréable. Quelques monologues plutôt réussis, quelques irruptions de violence aussi, mais c'est à peu près tout me concernant.

Morrinson

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