Cover Cinéphilie obsessionnelle — 2024

Cinéphilie obsessionnelle — 2024

Longs métrages uniquement.
↑↑ "Notre corps", de Claire Simon (2023) ↑↑

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Mois après mois, pour le meilleur et pour le pire des découvertes :

Janvier (1→82)

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794 films

créée il y a plus d’un an · modifiée il y a 5 mois
La Noche de los Lápices
5.7
541.

La Noche de los Lápices (1986)

1 h 45 min. Sortie : 1986 (Argentine). Historique, Drame

Film de Héctor Olivera

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

L'histoire de la nuit des crayons est complètement folle, mais ce qu'en tire Héctor Olivera dans "La Noche de los Lápices" est malheureusement peu engageant, la faute à des moyens de téléfilm, avec réalisation très molle et interprétations très approximatives. En 1976 (3 ans après le coup d’état de Pinochet au Chili renversant Allende, ayant servi de au film d’une autre tenue de Costa-Gavras, "Missing - Porté disparu"), suite à l'emprisonnement de Isabel Martínez de Perón et à l'avènement de la junte militaire dirigée par le général putschiste Jorge Rafael Videla, auteur du Processus de réorganisation nationale, des détachements militaires se sont présentés à chacune des maisons des étudiants qui appartenaient à des groupes politiques ou militants divers (ils se battaient essentiellement pour une réduction importante perdue sur le prix des billets de bus) et qui avaient participé à des manifestations, pour enlever une dizaine d'entre eux. Seulement quatre reviendront vivants de leur emprisonnement assorti de tortures diverses, et il y aurait plus de 200 adolescents disparus durant cette période. Sur toute la durée de la répression, ce serait 30000 disparitions : https://www.sciencespo.fr/opalc/content/le-proceso-de-reorganizacion-nacional-retour-sur-les-annees-de-la-dictature-argentine-0.

Le drame tient au fait que l'ambiance de téléfilm écrase tout élan dramatique. La petite musique abominable du générique annonce la couleur de tout ce qui suivra, la description des badinages étudiants, des jeunes qui courent dans un parc le sourire aux lèvres, les hésitations sentimentales des uns et des autres, les assemblées générales particulièrement ridicules... Dur dur de s'accrocher, même si la barbarie de l'opération de répression (totalement illégale) orchestrée par la police argentine sous dictature militaire ne fait pas de doute et perce au travers de cette enveloppe disgracieuse et contre-productive. Le film essaie de recréer l'atmosphère des manifestations étudiantes de 1975 à 1980, mais le sujet pourtant très sordide est traité avec une légèreté étrange.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_1986/373412?page=3

Astrakan
6
542.

Astrakan (2022)

1 h 45 min. Sortie : 8 février 2023. Drame

Film de David Depesseville

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Naturalisme rural et à la limite du mystique au programme de "Astrakan", dont la signification (symbole de l'agneau, sous-entendu bon à sacrifier) sera largement et lourdement dispensée en fin de film. Les influences sont nombreuses, et pêle-mêle on pense à du Bresson, du Brisseau et (sutout) du Pialat quand on adopte le regard que pose David Depesseville pour son premier long-métrage cherchant à esquisser le portrait d'un jeune orphelin récemment placé chez une nouvelle nourrice.

La force du film tient à ce que la découverte du nouvel environnement se fait vraiment aux côtés du jeune Samuel (Mirko Giannini), on ne dispose jamais d'une avance conséquente sur la suite des événements et chaque révélation se fait ainsi à hauteur d'enfant. On ressent toutefois une certaine acuité dans son appréhension des choses, comme notamment en ce qui concerne le personnage de l'oncle — il y a tout un voile pédophile qui flotte sur cette partie-là sans qu'elle ne soit jamais explicitée, avec une menace sourde et diffuse emplissant très rapidement l'espace autour de l'enfant. Mais ce n'est pas le sujet central de "Astrakan", qui se concentre davantage sur son personnage principal, taciturne, un peu sauvage, cherchant par plusieurs voies à se faire une place.

La composition des parents (Jehnny Beth et Bastien Bouillon) n'est pas le point fort du film, qui s'applique davantage à capter l'émancipation difficile de l'ado de 12 ans en proie à des sensations et des troubles qu'il ne comprend pas instantanément — sans que cela ne semble le décontenancer outre mesure. Les secrets de ce microcosme se révèlent peu à peu, les contraintes matérielles et financières prennent de plus en plus d'importance (la chose est d'ailleurs signifiée un peu trop lourdement je trouve), et le film évolue vers quelque chose d'assez original et étrange, à défaut de convaincre totalement : des séquences mystico-oniriques qui essaient de traduire le bouleversement intérieur de l'enfant, une forme de sensibilité exacerbée par des séquences sensuelles ou funèbres.

543.

L'Ombre (1956)

Cień

1 h 38 min. Sortie : 1 mai 1956 (Pologne). Action, Drame

Film de Jerzy Kawalerowicz

une critique.

Annotation :

Film étrange, légèrement obscur, légèrement inquiétant, produit dans le contexte de l'après-guerre en Pologne et attaquant avec beaucoup de franchise (malgré la dimension retorse du scénario) la question du rapport à la vérité, sa nature versatile et changeante selon les points de vue adoptés. Un thème évidemment majeur dans les années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale, et qui est sillonné selon plusieurs trajectoires par Jerzy Kawalerowicz (dont je ne connaissais que "Pharaon", à des années-lumière à tous les niveaux).

"L'Ombre" (Cień) se base sur une entame radicalement minimaliste pour introduire son propos : on découvre aux côtés de deux personnages ce qui s'apparente à un accident, suicide ou meurtre, en tous cas un personnage projeté hors d'un train en marche et qui finit devant eux, complètement défiguré et méconnaissable. Il mourra peu de temps après et l'enquête occasionnera un récit de regards croisés à la "Rashōmon", qui s'articuleront autour de trois témoignages qui s'enchaînent, chacun étant déclenché par la conclusion du précédent.

On naviguera dans un premier temps au sein de la guerre et d'événements liés à la résistance, avec des conflits voilés entre plusieurs factions dont les contours ne sont pas immédiatement clairs (deux groupes de combattants communistes aux motivations et idéaux différents). Dans un second temps les souvenirs d'un autre personnage nous plonge dans l'immédiat-après-guerre, avec le récit d'une trahison et un suspense grandissant jusqu'à son dénouement. Seul le troisième segment, dans la Pologne contemporaine, trouve une relation directe avec l'épisode introductif, même si un mystérieux personnage semble relier tous les points des trois différentes époques. Le croisement de tous ces récits rend la compréhension peu évidente mais la thématique de l'ambiguïté, des soupçons, de la morale changeante, structure l'ensemble de manière très nette. Une vision qui explore la subjectivité de la vérité et la multiplicité des illusions autant que des perceptions, en lien avec la réalité politique de son temps.

Exhuma
6.6
544.

Exhuma (2024)

Pamyo

1 h 57 min. Sortie : 1 avril 2025 (). Épouvante-Horreur, Thriller, Fantastique

Film de Jang Jae-Hyun

une critique.

Annotation :

Il est assez étonnant ce filon du cinéma asiatique horrifique et fantastique, exploitant le registre du paranormal et des esprits sous un angle chamanique. Je me pose souvent la question de ce qui distingue cette origine géographique de la plus prolixe en la matière, l'AOP états-unienne, au sens où on a souvent tôt fait de s'extasier devant des films qui ne sont que des reformulations de choses extrêmement banales et convenues mais encapsulées dans un décorum exotique à nos yeux occidentaux. En tout état de cause, mes connaissances en la matière sont limitées et j'ai ressenti un lien très fort entre ce "Exhuma" (Pamyo) et deux films vus récemment : "The Medium" (Rang song) du thaïlandais Banjong Pisanthanakun, avec un corpus thématique très proche (esprit malfaisant, histoires de possession et d'exorcisme), et le célèbre "Kwaïdan" de Kobayashi (le segment "Hoichi" faisant intervenir un musicien dont le corps est recouvert de signes sacrés est tout de même très proche d'une des dernières séquences du présent film).

"Exhuma" se divise étrangement en deux parties très différentes, avec une rupture médiane qui aurait presque pu signifier la fin d'un premier film. Il s'agit peu ou prou d'une dichotomie avant / après la rencontre avec la figure maléfique en chair et en os (si on peut dire), quand bien même sa présence rôderait pendant une longue partie de la première moitié. Le fond de l'histoire est assez simple, malgré la profusion de personnages : une famille américano-coréenne fortunée semble victime d'une malédiction inquiétante (les nouveau-nés souffrent d'une pathologie étrange) et sollicite l'aide de personnes extérieures pour sauver la vie du dernier venu. A posteriori on se dit qu'ils auraient peut-être mieux fait de ne rien changer au cours des choses, et laisser les esprits enfermés comme il faut, m'enfin bon, ça n'aurait pas fait un film (ou alors une variation de "Buried"). C'est donc avec une tonalité éminemment sérieuse autour de la présence d'esprits maléfiques que se greffent quatre personnages, deux jeunes chamans constatant l'ampleur des phénomènes paranormaux transmis de génération en génération, un géomancien expert en feng shui (Choi Min-Sik, qui s'y connaît mieux en entités diaboliques sanguinaires qu'en philosophie zen d'aménagement d'intérieur) et un entrepreneur de pompes funèbres.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_2024/3769454

Zero Focus
7
545.

Zero Focus (1961)

Zero no shoten

1 h 35 min. Sortie : 19 mars 1961 (Japon). Thriller, Drame

Film de Yoshitarō Nomura

une critique.

Annotation :

Je ne connais pas bien Yoshitarō Nomura mais sa réputation de Hitchcock japonais va plutôt pas mal dans le sens de ce que j'en ai vu pour l'instant — "Harikomi" que j'ai beaucoup apprécié et "Le Vase de sable", beaucoup moins. C'est évidemment réducteur et partial, mais on peut comprendre cette vaine assertion comme la description d'une filmographie marquée par les thrillers secs et les enquêtes qui piétinent longuement avant de trouver du sens en chemin.

L'enquête n'est ici pas portée par un groupe policier mais par l'épouse d'un homme qui disparaît peu de temps après leur mariage, tandis qu'il était parti en voyage d'affaire dans une région particulière sur la côte ouest du Japon. La recherche de l'homme disparu permettra à Teiko Uhara de découvrir le if de son mari (qu'elle ne connaissait pratiquement pas, ayant accepté le mariage un peu par dépit et par lassitude), riche en secrets et en révélations. La progression au sein de cet environnement, la part cachée d'une existence, investit une dimension très psychologique jalonnée par des questions sur l'identité (et notamment l'opposition entre figure publique et vie privée), sur le décalage entre les apparences et la réalité sertie de mensonges, le tout dans un contexte d'après-guerre assez marqué — l'action se situant à la fin des années 1950.

À mesure que le mystère s'éclaircit, la double vie de l'homme se précise, et tout particulièrement au travers de ses relations avec d'autres femmes (le gars était en réalité déjà marié). Teiko met le doigt dans un engrenage qui ira très loin, impliquant des compromissions et des menaces de la part de personnalités puissantes, et même si certaines révélations paraissent un peu abruptes (on a droit à une vraie-fausse résolution du mystère, vraie identité du coupable mais motif et circonstances erronées) le désir de protection vis-à-vis de secrets du é que certains personnages souhaiteraient laisser enfouis (avec la bonne dose de culpabilité) maintient un vrai intérêt. Les coups encaissés par l’héroïne constituent une trame dramatique qui s'accommode bien avec les tensions sociales de cet après-guerre, dans une ambiance très sombre — les derniers moments, très noirs, sont marqués par des bords de falaises très photogéniques.

Qui l'a vue mourir?
6.7
546.

Qui l'a vue mourir? (1972)

Chi l'ha vista morire?

1 h 34 min. Sortie : 19 novembre 1999 (). Policier, Drame, Thriller

Film de Aldo Lado

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

J'ai regardé ce giallo avec beaucoup de distance, sans trop savoir pourquoi. "Qui l'a vue mourir ?" m'est apparue en premier lieu sous l'aspect de toutes ses composantes individuelles, plus qu'un tout assemblé en long-métrage, et à moins d'être vraiment fan hardcore du genre il faut avouer que c'est un domaine extrêmement codifié ant par des motifs, des symboles, et des énormités obligées qui ne se renouvellent que de manière très sporadique. Dans mon imaginaire en tous cas, c’est souvent de l’ordre de l’exploitation commerciale obsessionnelle.

Caméra subjective pour visualiser des meurtres, multiplication hallucinante de suspects potentiels, révélations à haute teneur psychiatrique concernant le vilain... Le tableau est quand même particulièrement chargé dans ce film d'horreur qui met en scène des meurtres de petites filles rousses se répétant à travers les époques et les lieux. C'est d'ailleurs la particularité la plus appréciable il me semble dans la mise en scène d'Aldo Lado, puisqu'après une introduction express en on s'embarque en Italie, à Venise, avec l'incroyable photogénicité de la ville, ses canaux, ses ruelles étroites, etc. L'enquête que l'on suit aux côtés du père sculpteur est assez peu ionnante, et c'est vraiment sans réelle surprise que tous les faux suspects mais vrais témoins potentiels gênants (pour l'assassin) disparaissent les uns après les autres.

Je comprends assez bien ce qui peut plaire là-dedans mais je ne suis pas suffisamment amateur du registre pour apprécier ce genre de variations. Le mystère peine à manifester un véritable intérêt, les "petits trucs" mobilisés pour l'occasion sont un peu vains (les mains gantées, les chaussures féminines, le voile noir) et ont même été un élément quelque peu en défaveur : quand on nous montre ostensiblement des attributs potentiellement féminins chez le tueur, la première pensée tient au fait qu'il s'agit d'un taré ayant mal digéré sa relation avec sa maman pour se transformer en dangereux pervers sexuel... La petite ritournelle signée Morricone et les décors enneigés du début ne suffisent pas à compenser le grand-guignol puissant de certaines séquences (mention spéciale au final à base de ralenti / répétition extra kitsch). Étonnamment Nicolas Roeg tournera son "Don't Look Now" l’année suivante, dans les mêmes décors vénitiens.

The Instigators
5.5
547.

The Instigators (2024)

1 h 41 min. Sortie : 9 août 2024. Action, Comédie, Policier

Film de Doug Liman

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Un buddy movie avec Matt Damon et Casey Affleck dans les règles de l'art, il est assez naturel de ne pas être préparé pour un tel spectacle... D'autant moins avec les images de leur "Gerry" en tête. Expérience très bizarre que cette comédie d'action de la part de Doug Liman (il enchaîne en cette année 2024, après "Road House"), extrêmement désinvolte, sans cesse décousue et inconstante, qui suit deux paumés dans leurs galères de thunes. Un film particulièrement dépourvu de consistance, qui semble avancer de manière tout à fait maladroite et incertaine, au gré d'un montage tout ce qu'il y a de plus erratique, et dans une ambiance étrange, jamais claire. Il n'y pas vraiment d'alchimie entre les deux personnages et pourtant ils eront à travers le film et les multiples emmerdes qui leur colleront à la peau suite à un casse qui ne se e pas comme prévu (toute la mise en scène est là pour nous avertir que ça va mal se er), le tout en compagnie de leur psy — Hong Chau. Il navigue à travers la ville de Boston dans un chaos monumental, au niveau de leurs actions, de leurs décisions, avec une multitude d'imprévus qui finissent par être un peu trop lourdingues. Énormément de potentiel non-exploité, à commencer par le rang des intervenant, Ving Rhames en super-flic sans consistance, Alfred Molina en super-méchant placide mais effacé, Ron Perlman en politicien véreux sans habillage, et Toby Jones qui e dans l'arrière-plan deux ou trois fois pour on ne sait quelle raison. Liman semble vraiment gâcher une myriade d'opportunités, il ne fait rien de son matériau, il mêle les registres (blagues, disputes, crises), s'essaie au stupide avec des résultats très inconstants, et donne l'impression de ne poursuivre aucun but, de ne pas savoir où il nous embarque. Expérience déconcertante.

Turksib
7.7
548.

Turksib (1929)

57 min. Sortie : 15 octobre 1929 (Union Soviétique). Muet

Documentaire de Victor A. Turin

une critique.

Annotation :

Une nouvelle facette du récit cinématographique, documentaire et propagandiste de l'ère soviétique à la conquête de territoires éloignés et hostiles, qui se range très naturellement aux côtés d'autres monuments comme "Le Sel de Svanétie" de Mikhail Kalatozov (1930, sur les dures conditions de vie de montagnards des hauts plateaux géorgiens, coupés de tout) ou encore "Pamir" de Vladimir Erofeyev (1927, plus proche dans le style et le thème, sur une expédition d'un massif alors inexploré et point culminant de l'Union soviétique). Les mots-clés sont assez faciles à détourer et circonscrivent clairement le récit : territoires peu hospitaliers de l'URSS qu'il convient de dompter et de viabiliser, célébration du travail des ouvriers soviétiques qui mettent du cœur à l'ouvrage, rencontre de la technologie bolchévique avec la vie primaire des peuplades autochtones, et émancipation des populations isolées rendue possible par les avancées de la mère patrie.

"Turksib", du nom de la voie ferrée Turkestan-Sibérie reliant l'Asie centrale à la Sibérie (aujourd'hui Ouzbékistan, Kazakhstan et Russie) sur près de 2500 kilomètres, est une de ces émanations des plans quinquennaux fixant des objectifs de production bien précis, un projet cinématographique de grande ampleur, audacieux et emporté par cet enthousiasme euphorique qui donne l'impression que la conversion au parti est instantanée au du mouvement, du train en marche. C'est avant tout un portrait des conditions de survie dans cette partie de l'Asie centrale, une lutte quotidienne présentée dès l'introduction par la sévérité des éléments — symbolisée essentiellement par la rareté de l'eau, avec au premier rang les difficultés agricoles mises en scène avec toute la beauté de ce cinéma-là, montage alterné acéré montrant les blés qui flétrissent et les canaux d'irrigation désespérément secs jusqu'à ce que le liquide quasiment sacré n'arrive. Un procédé technique qui sera repris de nombreuses fois, et notamment dans le dernier temps du film, une fois le Turksib en place et prêt pour son premier voyage — le parallèle entre la mise en mouvement des roues du train et la course avec les cavaliers (chevauchant chameaux et vaches) est juste magique.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/top_films_1929/377971

La Bataille de la Neretva
6.4
549.

La Bataille de la Neretva (1969)

Bitka na Neretvi

2 h 55 min. Sortie : 1969 (). Guerre

Film de Veljko Bulajic

une critique.

Annotation :

"La Bataille de la Neretva", l'événement historique tout comme (dans une moindre mesure) le film, offre une perspective relativement rare sur la Seconde Guerre mondiale, en tous cas un angle d'attaque peu courant et peu investi dans le cadre du cinéma. Il s'agit d'un épisode s'étalant sur quelques mois au début de 1943, lors de la dernière phase de la guerre sur le territoire des Balkans, connu sous plusieurs autres dénominations selon le point de vue considéré (quatrième offensive anti-partisane, ou encore opération Fall Weiss — "plan blanc" en allemand), qui a opposé des résistants yougoslaves d'inspiration communiste, les Partisans, à des forces regroupées derrière l'Axe (Allemagne, Italie, mais également Oustachis, un mouvement fasciste croate, et Tchetniks, une force armée yougoslave en conflit avec les Partisans). Autrement dit, un gros bordel géopolitique dès lors qu'on ne dispose pas des éléments de base concernant les forces en présence et de l'historique des inimitiés entre les différentes parties.

Le film de Veljko Bulajic ne permettra probablement pas de saisir toutes les subtilités de ce conflit complexe, mais il permet de planter un décor pour préciser un tant soit peu les enjeux, ainsi que d'esquisser quelques moments décisifs de l'opération qui convergera vers le fleuve Neretva. C'est sans surprise que la majeure partie des trois longues heures est dévolue à la description du camp des Partisans, avec de très nombreux personnages et autant d'histoires de cœur ou de haine, mais une des choses les plus surprenantes dans "La Bataille de la Neretva" tient au fait qu'aucun des différents ennemis ne soit complètement caricaturé. Beaucoup d'antagonistes ne sont pas montrés comme des fous furieux fascistes avec leur convictions nazifiantes chevillées au corps, mais plutôt comme des bad guys sérieux avec des objectifs à atteindre.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_1969/374012

Nous, les Leroy
6.3
550.

Nous, les Leroy (2024)

1 h 42 min. Sortie : 10 avril 2024. Comédie

Film de Florent Bernard (FloBer)

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Ce n'était pas une séance masochiste même si je ne m'attendais pas à une révélation fondamentale (certains bons retours dans mon entourage m'ont quand même intrigué). "Nous, les Leroy" est un de ces films pleins de bonnes intentions et Florent Bernard est manifestement très bien entouré (dans les parages on croise Luis Rego, Jérôme Niel, Benjamin Tranié, c'est drôle comme effets). La trame de fond derrière la comédie dramatique familiale est même pas nulle, si l'on oublie tout le reste c'est quand même l'histoire d'un père pathétique qui pense et essaie de ressouder sa famille disloquée le temps d'un weekend, avec des espoirs aussi vains que sincères quant à la possibilité de réunion de tout ce petit monde. Deux obstacles majeurs à toute appréciation / immersion de ma part toutefois : d'abord, le niveau d'interprétation global, si l'on excepte tous les seconds rôles sympas, cette famille joue comme une saucisse royale c'est incroyable. Les ados jouent mal mais bon, ça peut er ; en revanche, le couple formé par Charlotte Gainsbourg et José Garcia est tout bonnement effroyable, ils sont tous les deux mauvais en toutes circonstances, rien n'est naturel, aucune émotion ne paraît sincère, qu'il s'agisse de l'humour, de l'angoisse, de la colère, etc. Zéro pointé à ce niveau-là, et ce sentiment de plantage est prolongé dans la profondeur de la matière avec des ressorts dramaturgiques que j'ai trouvés ahurissants de grotesque. Le divorce en toile de fond qui ne e pas est à l'image de cet aspect maxi poussif, scénario archi simpliste qui enchaîne des sketches minables avec un souci de cohérence quasiment inexistant. Pas fondamentalement incohérent, mais vraiment doté de ficelles énormes jusque dans les appels aux glandes lacrymales.

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant
7.1
551.

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant (2023)

1 h 31 min. Sortie : 20 mars 2024 (). Comédie, Épouvante-Horreur

Film de Ariane Louis-Seize

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

À la différence de "Ginger Snaps" qui investissait le territoire du film de lycanthropes à la croisée du teen movie avec une dextérité très plaisante (en dépit de ses limitations), "Vampire humaniste cherche suicidaire consentant" donne l'impression de ne pas savoir quel positionnement adopter vis-à-vis de son projet : comédie familiale matinée de teen movie dans un contexte vampirique, faisant le portrait d'une jeune vampire (16 ans, c'est-à-dire 68 en années vampiriques) qui, comme son titre explicite le décrit très bien, refuse de tuer des gens sous prétexte qu'il faudrait qu'elle s'alimente.

Les thématiques de l'adolescence, de la puberté, de la crise contre les parents étaient traitées de manière radicalement différente dans le film de John Fawcett (2000), et ce premier film de Ariane Louis-Seize donne l'impression de partir d'un postulat relativement original — cette tonalité tragique et comique, prenant pour postulat immédiat les contraintes de la vie de vampire, et le reformuler dans un cadre sentimentalo-existentialiste — mais pour n'en faire pratiquement rien dans les grandes lignes, déambulant doucement vers une histoire romantique très convenu. Pour le dire un peu méchamment, on pourrait le qualifier de "Twilight" d'auteur à petit budget et avec un appétit plus franc pour la comédie douce et décalée.

Personnellement je n'ai pas trop apprécié cette recherche du décalage constant, cette introduction systématique du morbide (à travers les bas instincts des vampires) dans un environnement marqué par son pragmatisme (malgré sa franche dimension fantastique ce sont avant tous les détails prosaïques de l'alimentation et tout ce qui tourne autour qui sont mis au premier plan). Il y a en marge une analogie filée avec l'initiation sexuelle, la morsure représentant une première fois avec son lot d'appréhension, de peur, de timidité, et de posture à adopter face à l'autre. Tout ça est peu travaillé, et finalement l'échange de bons procédés avec le jeune ado à tendance suicidaire emprunte un chemin balisé et peu engageant (avec option "tout ce que je n'ai jamais osé faire"). Le charme discret des deux principaux interprètes, Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard, ainsi que les petits accents québécois, ne peuvent pas tout.

The Faculty
6
552.

The Faculty (1998)

1 h 44 min. Sortie : 2 juin 1999 (). Science-fiction, Épouvante-Horreur

Film de Robert Rodriguez

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

[ Revu ]

Plaisir étonnant occasionné par ce revisionnage tardif d'un teen movie pareil, que je plaçais inconsciemment du côté d'un "American Pie" alors qu'il s'agit d'une semi-satire de film de SF horrifique blindée de références — "The Thing" et "L'Invasion des profanateurs" sont les deux références explicitement citées — qui prend pour toile de fond un environnement étudiant pour en tirer quelques trucs sympas.

Bon déjà, parmi les choses les plus marquantes, Rodriguez et la production se sont fendus d'un casting assez incroyable, impossible de les citer tous mais Elijah Wood mal dégrossi en demi-héros, Josh Hartnett mal coiffé en semi-génie drogué, Robert Patrick en coach de foot US plus machine que dans "Terminator 2", Salma Hayek en infirmière ou encore Usher en lycéen, ça fait quelque chose.

"The Faculty" a semé en moi une quantité astronomique de détails, des images-symboles à la pelle, des séquences anodines souvent plutôt que les séquences conçues pour être des chocs, c'est assez drôle de constater ce qui est resté avec le temps. J'avais complètement oublié (ou n'avais tout simplement pas capté) à quel point la composante parodique est importante, le film étant toujours à la lisière du grotesque entre autres à ce niveau-là, et à quel point il joue avec les stéréotypes — chaque personnage est un concentré de cliché, qu'il soit étudiant ou prof. L'avènement du comportement inquiétant de certaines personnes et la propagation d'une paranoïa au sein d'un groupe réduit d'individus est à la fois comique et sérieux, c'est une alchimie vraiment marrante au sein d'une telle série B insignifiante...

Forcément la scène du test avec la drogue est un hommage transparent au sang chez Carpenter, et de toute façon le film cite une pléthore de films SF plutôt adroitement — certains vont même jusqu'à penser que ces films ont été créés par des aliens pour empêcher les humains de croire que ça pourrait être vrai... Il y a dans le fond de l'air une petite critique de l'aliénation adolescente qui m'a fait sourire, avec une multitude de codes sociaux chez les sportifs, les intellos, les timides, les vindicatifs. Ainsi qu'un rapport bizarre à la sexualité féminine, avec deux révélations lors du age du côté extra-terrestre. Les codes sont grossiers mais le dosage entre les différents ingrédients est bien foutu.

Stalingrad
6.9
553.

Stalingrad (2001)

Enemy at the Gates

2 h 11 min. Sortie : 14 mars 2001. Drame, Historique, Thriller

Film de Jean-Jacques Annaud

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

[ Revu ]

Nouvelle destruction de souvenirs d'enfance et des premiers émois proto-cinéphiles (probablement un des premiers films vus au cinéma de l'adolescence). Les pièces manquantes étaient très nombreuses, certains personnages comme Ron Perlman en sniper Koulikov ou Bob Hoskins en Nikita Khrouchtchev avaient totalement disparu de ma mémoire, mais le parcours global reste conforme et une multitude de détails (graphiques, scénaristiques, émotionnels) étaient intacts.

Évidemment l'œil adulte souffre beaucoup devant "Enemy at the Gates"... C'est vraiment la boucherie en matière de clichés sur la Seconde Guerre mondiale, ça commence avec une de ces fameuses cartes montrant l'empire nazi recouvrant peu à peu toute l'Europe (jusqu'en Italie, oui oui, jusqu'en Espagne, oui oui), ça tartine en couches bien épaisses des stéréotypes vaseux autant sur le plan historique (ah la la ces soviétiques !) que cinématographique (on a l'impression que Annaud veut nous refaire l'intro sanglante et immersive de "Saving Private Ryan", mais c'est complètement con cette configuration maxi explicite de "un fusil pour deux", de "massacre stupide face aux mitrailleuses allemandes" et de "on assassine les déserteurs en mer comme sur terre").

Du point de vue de l'interprétation, c'est un désastre absolu hormis pour Ed Harris qui s'en sort bien dans son rôle de major Erwin König, sniper nazi aristo mutique au regard bleu perçant. Jude Law est une grosse patate dépourvue de tout charisme (pour un héros bolchévique ça la fout mal), la romance moisie avec Rachel Weisz prend beaucoup trop de place et compte bien trop de moments gênants, le personnage du communiste zélé et manipulateur de Joseph Fiennes n'a aucune profondeur et aligne ses clichés sereinement... Dur dur à la revoyure.

Finalement il n'y a que le duel de tireurs d'élite qui suscite un intérêt, dans son opposition lourdingue entre deux valeurs opposées et surtout dans l'exploitation des lieux. Tout ce qui touche à la construction d'une figure héroïque ou à la propagande est naze, mais l'instrumentalisation propagandiste des deux côtés laisse entrevoir un sujet qui aurait pu être valable, même si le personnage de Harris n'a pas de fondement historique aussi clair que Vassili Zaïtsev. Bon après, on se doute que la véracité historique n'est pas le point fort de ce genre de film, mais ses aspirations sont pourtant clairement établies dans cette direction, ce qui rend encore plus pénible la pléthore de débilités.

La Prisonnière espagnole
7
554.

La Prisonnière espagnole (1997)

The Spanish Prisoner

1 h 50 min. Sortie : 7 janvier 1998 (). Drame, Thriller

Film de David Mamet

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

J'ai eu beaucoup de mal à voir où David Mamet voulait aller avec son thriller bancal. De manière assez évidente il se moque du contenu traditionnel qu'on retrouve dans ce registre : il y a tout un délire autour d'un MacGuffin à la Hitchcock, ici en l'occurrence une invention révolutionnaire créée par un ingénieur d'une société dont on ne connaîtra absolument rien du tout — si ce n'est qu'elle est censée permettre de conquérir le marché en un éclair et assurer des rentes stratosphériques immédiatement. C'est un film à mystère qui place toutes ses billes dans un seul sac : l'ambiance. Et il faut reconnaître à Mamet un certain talent pour travailler une atmosphère originale, décalée, qui colle bien au sort du protagoniste baladé de gauche à droite pendant tout le film.

Mais, précisément, cela ne suffit pas à faire un film. "The Spanish Prisoner" (du nom d'une arnaque expliquée dans le film) s'amuse visiblement beaucoup à confectionner des imes scénaristiques, des subterfuges, des manipulations, des coups montés, mais malheureusement on s'en lasse assez vite et on comprend tout aussi rapidement que tout n'est pas tel que ce que les apparences laissaient supposer. En même temps, faire de Ed O'Neill aka Al Bundy dans "Mariés, deux enfants" un chef d'équipe du FBI, c'est immédiatement très louche, on peut difficilement faire plus suspect...

Le film se contente donc, du point de vue de l'intrigue, de malmener son protagoniste d'un camp à l'autre, d'une suspicion à l'autre, en multipliant les trahisons avérées ou suspectées, avec des éléments de scénario franchement grossiers. La machination se fout de paraître de plus en plus alambiquée, et elle s'enferme dans un geste un peu gratuit qui finit par lasser. Le pigeon en chef (Campbell Scott) peine à susciter un intérêt sur le long terme, et les personnages tels que ceux de Ben Gazzara ou Ricky Jay peinent à rehausser le niveau. C'est un film un peu vain, sans grand intérêt, inconsistant, avec des pièges de plus en plus gros, mais qui jouit d'un charmer léger dans des proportions très réduites.

555.

Dear Werner (2020)

1 h 20 min. Sortie : 2020 (Espagne).

Documentaire de Pablo Maqueda

une critique.

Annotation :

La sincérité de la démarche de Pablo Maqueda ne fait pas de doute, c'est un hommage autant qu'une déclaration d'amour au cinéma de Werner Herzog qui l'a poussé à emprunter le même chemin que le réalisateur allemand avait emprunté en 1974 : une marche de 800 kilomètres entre Munich et Paris, qu'il avait entreprise dans le but de conjurer un mauvais sort (une entreprise typiquement herzogienne), la maladie qui avait frappé Lotte Eisner. Un récit raconté dans le livre "Sur le chemin des glaces" et dont l'intérêt unique et majeur se trouvait concentré dans l'attitude du cinéaste, ce penchant faussement mystique, cette poésie teintée d'illumination, ce sens de l'humour germanique, cette ironie constamment travaillée, son obstination et ses humeurs variées autant que changeantes, ses saillies inimitables comme lorsqu'il ret son amie, épuisé : "ouvrez la fenêtre, depuis quelques jours je sais voler".

Le problème de "Dear Werner", c'est bien que Maqueda cherche en un sens à imiter quelque chose d'inimitable. Son récit de voyage à lui ne comporte aucune des particularités qui faisaient tout le charme du carnet de Herzog. On a l'impression d'observer un témoignage documentaire scolaire d'un élève appliqué suivant les traces du maître, mais pas grand-chose de plus. Certes, il y a la voix de Herzog qui vient, de manière sporadique, lire quelques phrases. Certes, il y a quelques images-paysages qui peuvent servir de complément au livre en ravivant quelques souvenirs de lecture. Maqueda s'essaie à quelques incursions personnelles, la découverte d'une grotte, le rencontre avec des ours (en réalité un parc animalier), mais ces espaces de créativité sont très rares et peu convaincants.

556.

We Met in Virtual Reality (2022)

1 h 31 min. Sortie : 2022 (Royaume-Uni). Portrait

Documentaire de Joe Hunting

une critique.

Annotation :

Moins emballé par "We Met in Virtual Reality" que par l'autre documentaire en immersion dans un monde virtuel vu avant mais sorti plus tard, "Knit's Island - L'île sans fin" (2023). Joe Hunting a choisi la plateforme de monde virtuel en ligne VRChat pour capturer les images de son film, un jeu dont le gameplay semble plus proche de "Second Life", et propose sans contextualisation aucune d'esquisser le portrait de quelques personnes arpentant les paysages de ce réseau social à un moment particulier : les épisodes de confinement de 2020.

Le sujet est ionnant et le thème particulièrement porteur, puisque le poids de ces enfermements que presque tout le monde a dû er il y a quelques années appartient à un patrimoine collectif. L'ouverture proposée par ce genre de territoire numérique apparaît comme évidente, et il n'y a aucun effort à consentir pour imaginer à quel point il a pu constituer des espaces de liberté et de soulagement pour de nombreuses personnes. Je dois avouer qu'il m'a manqué des éléments de contexte pour comprendre le but de cet environnement et mieux appréhender les coutumes dans ce monde à la "The Sims", car Joe Hunting s'embarque immédiatement dans l'excitation qui entoure quelques émanations de ce monde virtuel, pour montrer comment des individus isolés chez eux peuvent trouver des moyens de se connecter à d'autres ou se libérer des problèmes du quotidien avec une intensité difficilement questionnable.

Ainsi découvre-t-on très vite dans ce monde de pixels une communauté recentrée autour de la langue des signes, avec notamment une enseignante qui dispense littéralement des cours ainsi que des personnes sourdes-muettes communiquant par ce moyen avec les autres — je n'ai pas tout à fait compris comment étaient retranscrits les mouvements de toutes les parties du corps, car ces derniers paraissent assez naturels au-delà des accessoires ultra bariolés et des petits bugs graphiques omniprésents. On e successivement d'un petit cours de danse du ventre à une véritable déclaration d'amour en ligne, avec ce genre de moments hautement troublants où l'on peut observer un mariage en ligne, exacte transposition de la cérémonie IRL, ou encore un hommage très touchant au frère récemment décédé d'une des personnes.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/top_films_2022/3206479

La Vie future
6.6
557.

La Vie future (1936)

Things to Come

1 h 40 min. Sortie : 14 septembre 1936 (Royaume-Uni). Science-fiction

Film de William Cameron Menzies

une critique.

Annotation :

Le charme suranné inhérent à presque n'importe quel film de science-fiction des années 1930 se trouve décuplé dans "La Vie future", d'une part, par les ambitions immenses de cette adaptation du roman de H.G. Wells, "The Shape of Things to Come" (1933, ce dernier ayant un rôle non-négligeable dans la direction artistique du film via le producteur Alexander Korda), et d'autre part dans la version colorisée que j'ai vue, avec ses couleurs délavées qui appuient encore un peu plus sur le très grand âge de la mise en scène.

Le récit d'anticipation de Wells semble, sur le papier, incroyablement visionnaire : au début des années 1930, il décrit le déclenchement d'une guerre mondiale en 1940, la dévastation de villes entières par raids aériens, le surgissement d'une maladie omniprésente, l'avènement d'une société obsédée par la technologie sous couvert de progrès scientifique, et le mirage d'une paix totale. Il e pour cela par une série d'états intermédiaires plus fondamentalement fictionnels, une guerre internationale qui durera 30 ans, un retour à une civilisation moyenâgeuse, une sorte de peste zombifiante assez peu détaillée, le règne de petits monarques nonchalants, la création d'un état bienveillant istré par des scientifiques et des ingénieurs... Cette fresque qui s'étend de 1940 à 2036 brille par son ampleur, malgré la vétusté de sa mise en scène (William Cameron Menzies termine le film en 1936), et pourrait ressembler sous certains aspects à une version moins fascinante de "Metropolis" (1926) — pour relativiser son avant-gardisme.

Les thématiques brassées par "Things to Come" sont sans doute un peu trop variées pour un film de 1h40 qui enchaîne les problématiques à un rythme un peu trop effréné, une guerre mondiale s'éternisant dont le sens et les origines se sont perdus au fil des décennies, la ré-émergence de la civilisation au sein d'un continent dévasté par des gaz mortels, l'aspiration au voyage spatial... Le personnage de John Cabal qui tient le rôle de semi-protagoniste peine à souligner un fil rouge tout au long de la narration, et sa réapparition tardive pour briser le règne d'une dictature peine un peu à imposer son questionnement sur la possibilité d'une utopie — le personnage de Theotocopulos, servant de faire-valoir à l'opposition entre technologie et art, illustre assez bien le côté quelque peu rigide des réflexions. Mais la curiosité d'une telle pellicule en provenance des années 30 britanniques se maintient solidement.

L'Homme blessé
6.3
558.

L'Homme blessé (1983)

1 h 49 min. Sortie : 25 mai 1983 (). Drame

Film de Patrice Chéreau

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Plongée étouffante dans les années 80 parisiennes, ce film de Patrice Chéreau ret un cortège d'autres qui structurent dans mon imaginaire un couple ville / époque peu enviable, avec des acteurs comme Bernard Giraudeau, Patrick Dewaere ou encore Bernard-Pierre Donnadieu. "L'Homme blessé" trace un de ces sillons glauques avec en figure de proue Jean-Hugues Anglade pas encore âgé de 30 ans, et totalement paumé dans la capitale au sortir du cocon familial. Je ne connais pas bien Chéreau mais il y a quelque chose d'intrigant dans son style, et tout particulièrement dans sa façon d'aborder l'état d'esprit du protagoniste ici, qui ne sait absolument pas quel chemin tracer.

Sa rencontre avec le personnage de Vittorio Mezzogiorno (curieusement doublé par Gérard Depardieu) marquera le début d'une longue suite de péripéties plus ou moins noires, et il faut reconnaître au film une façon très originale d'aborder le thème de l'homosexualité au début des années 80 — ce n'est quasiment pas un sujet, la relation toxique est mise en scène sans se faire un point d'honneur de souligner cet aspect-là de manière outrancière. C'est une relation sentimentale (détraquée) comme une autre (détraquée). Cette façon de filmer l'attirance d'Anglade pour des inconnus, les bagarres, le désir, la manipulation... Il y a un côté insaisissable dans certains personnages, et par extension le film tout entier, même si la souf du protagoniste finit par virer au malaise à mesure que Chéreau insiste et insiste encore dessus. Un des points culminants de la gêne tient à la séquence avec Claude Berri en client d'Anglade néo-prostitué... Brrrr.

J'aurais un peu de mal à cerner les enjeux précis du film, même si je les placerais du côté de l'analyse crue d'une ion dévorante, en prise avec l'irrationnel. "L'Homme blessé" arbore une forme de radicalité discrète assez dérangeante, baignant constamment dans le crado et le voyeurisme, les sentiments factices, loin de toute sensation de manifeste, un peu comme un lointain parent de Fassbinder.

Le Distrait
6.2
559.

Le Distrait (1970)

1 h 25 min. Sortie : 9 décembre 1970 (). Comédie

Film de Pierre Richard

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Le premier film de Pierre Richard en tant que réalisateur (metteur en scène de lui-même bien entendu) correspond en tous points à l'idée qu'on peut avoir d'un film de Pierre Richard. Personnage lunaire pas excellence, constamment perché sur une branche, dans son monde, imperméable à la majorité des signaux émanant du nôtre. L'humour de Pierre Richard tient ses références d'horizons divers, partagés entre l'absurde, le surréaliste (pour la touche british), et le gag burlesque et visuel (pour la touche Keaton / Chaplin), et on sent bien qu'il a voulu en mettre énormément dans les quelque 85 minutes de son film, sans doute trop d'ailleurs. Il met les bouchées double en matière de comique de répétition, et il y a de quoi être surpris quant à la qualité de l'écriture des dialogues, en tous cas dans leur ensemble.

Même si "Le Distrait" ne brille pas par son inventivité et souffre de quelques chutes de rythmes / répétitions un peu dommageables, difficile de ne pas éprouver une profonde sympathie pour le personnage et l'ambiance 70s du film. Pas tant pour la satire du monde de l'entreprise en général et de la publicité en particulier, là où son humour noir et décalé ne perce pas vraiment... Mais plutôt pour son extravagance tranquille, sa naïveté calme, son bonheur permanent dans sa bulle, dans son monde et ses doux fantasmes. Autant de qualités déviantes qui entrent en conflit avec les symboles de la vie normés que sont Bernard Blier et toute la clique de gens sérieux de bureau. J'aime beaucoup le décorum des personnages secondaires, Paul Préboist, Robert Dalban, Yves Robert, Luis Rego, etc. Sans doute autant que l'image de ce protagoniste-grain de sable, ce Gaston Lagaffe loufoque qui introduit un peu de chaos dans un univers trop normalisé. Malgré le côté confus, brouillon, et un peu répétitif des gaffes, on se laisse embarquer avec joie.

Bus 174
7.7
560.

Bus 174 (2003)

Ônibus 174

2 h. Sortie : 16 mars 2005 ().

Documentaire de José Padilha

une critique.

Annotation :

On n'attend pas nécessairement José Padilha, le réalisateur des Tropa de Elite" et du remake de "RoboCop", sur le terrain du documentaire. Pourtant, les thèmes de "Bus 174" (Ônibus 174, sa première réalisation sur laquelle il fut secondé par Felipe Lacerda) rendent assez naturel le lien avec ces fictions puisque les forces de l'ordre brésiliennes occupent une place centrale dans cette histoire restée très célèbre au Brésil, malheureusement. Une prise d'otage qui tourna mal, le 12 juin 2000, dans un bus de Rio de Janeiro, qui aurait pu être d'un loufoque involontaire et comique s'il n'avait été question que de l'incompétence folle des policiers dans la gestion de la crise — un otage est mort et l'auteur du détournement, Sandro Rosa do Nascimento, fut vraisemblablement tué par la police juste après son arrestation, loin des caméras.

Les faits, si on se limite à ce qui nous est montré ici, sont proprement incroyables et auraient été taxés d'excessifs ou d'invraisemblables s'ils étaient survenus dans le cadre d'une fiction, cela ne fait aucun doute. Un jeune camé des favelas, armé, monte dans un bus et immobilisera le véhicule avec ses agers pendant quatre longues heures : petite particularité locale, la police était remarquablement peu formée et peu compétente face à ce détournement, à tel point qu'elle n'établit même pas de périmètre de sécurité autour du véhicule. Conséquence ahurissante, tous les médias du coin ont pu s'approcher du bus et filmer en direct le déroulé de l'intervention (ou plus précisément de la non-intervention), avec une foule de badauds massée autour des quelques policiers, totalement crédules et incapables devant cet homme menaçant de tuer ses otages avec son pistolet. Histoire de corser la situation, le responsable des opérations, une fois arrivé sur place, reçut l'ordre de la part de politiciens de ne pas abattre le preneur d’otage — cela aurait fait tache à leurs yeux, avec ces dizaines de caméras braqués sur le bus. Pourtant, Nascimento era à de très nombreuses reprises la tête par une fenêtre du bus, s'exposant de manière ostensible, et laissant apercevoir à quel point la cocaïne et la colle sniffées lui avaient ravagé la cervelle.

Suite
https://senscritique.voiranime.info/liste/Top_films_2003/344929

La Source de feu
6.4
561.

La Source de feu (1935)

She

1 h 41 min. Sortie : 1 novembre 1950 (). Aventure, Fantastique, Romance

Film de Irving Pichel

une critique.

Annotation :

Hasard des diffusions, restaurations ou programmations, la coïncidence fait communiquer deux versions colorisées de films des années 30 à consonance SF / fantastique : après le récit d'anticipation "La Vie future" (1933, William Cameron Menzies) basé sur le roman de H.G. Wells, "La Source de feu" (titre français, osé mais pour une fois pas totalement à côté de la plaque, de "She) s'inscrit davantage dans la lignée des films d'aventures, même s'il cultive d'entrée de jeu une dimension mystérieuse qui prendra une importance capitale dans la deuxième partie. On retrouve de manière surprenante un assez jeune Randolph Scott, loin de ses terres de westerns, au chevet de son oncle britannique mourant qui lui révèle quelques bribes d'un secret ayant trait à une légende : l'immortalité que confèrerait une flamme mystérieuse éponyme.

Les contours de cette légende sont radicalement minimaux et voilà lancée une expédition comportant trois aventuriers, dans une direction quand même assez floue — on comprend qu'ils s'engagent sur la banquise arctique russe mais le cheminement vers le pays de Kor reste particulièrement nébuleux. C'est avant tout une opportunité en or pour Lansing C. Holden et Irving Pichel d'utiliser quelques décors qui avait servi au "King Kong" de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack 2 ans plus tôt pour figurer un continent oublié, supposément visité 500 ans plus tôt par l'ancêtre du protagoniste. La rencontre avec une civilisation cachée est sous certains aspects un monument de kitsch suranné, mais aussi l'occasion d'amorcer la rencontre avec une souveraine qu'on dit immortelle (Helen Gahagan), au creux d'un cadre rendu captivant par des plans très serrés et une curieuse géométrie des espaces.

Cette première partie bâtie autour de l'exploration, de la découverte et de la rencontre avec un peuple incertain dispose d'arguments qui peuvent attiser la curiosité, mais la suite s'essouffle assez rapidement à cause d'une focalisation un peu vaine et trop longue sur des questions peu engageante (la reine voit dans le protagoniste la réincarnation de son ancien amant, grosso modo). Une grande part de ce second mouvement est ainsi dédiée à une romance sous la forme d'un triangle amoureux soporifique, très prosaïquement sentimental... L'intérêt retombe vite et avec fracas, malheureusement, alors que la relation entre ce personnage féminin hors du commun et le héros un peu paumé aurait pu former quelque chose de grandiose.

Vice-versa 2
6.7
562.

Vice-versa 2 (2024)

Inside Out 2

1 h 36 min. Sortie : 19 juin 2024 (). Animation, Aventure, Comédie

Long-métrage d'animation de Kelsey Mann

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Rien de fondamentalement misérable là-dedans, mais quand même cette deuxième version de "Inside Out" montre bien à quel point la logique d'exploitation peut tarir même les plus prometteurs des concepts. Il y avait des choses à reprocher au film de 2015, des limitations justement dans la mise en place du concept, mais le problème est tout autre ici, près de 10 ans plus tard : on nous vend un nouveau paradigme, puisqu'il s'agit du age de l'enfance à l'adolescence, et au final on a droit à un maigre copier-coller, avec grosso modo quelques émotions présentées comme basiques remplacées par d'autres émotions présentées comme plus complexe.

Sur le plan théorique, on nous sort le grand jeu : les relations sociales deviennent plus fines, l'innocence disparaît, les amitiés peuvent tourner au toxique, les anciens souvenirs et les nouvelles émotions forment une tambouille hybride caractéristique de l'adolescence. Pourquoi pas, et on sort à cet effet plusieurs cartes, anxiété, embarras, ennui, et envie. Le principal problème arrive très vite : mis à part anxiété, tout le reste n'est que de l'habillage, de la figuration, du cosmétique largement inutile. Le discours moral servi est en outre assez convenu, sur le thème du cocktail d'émotions contradictoires qui serait la base de la difficile progression adolescente, mais d'une part la machine qui fait carburer le film n'est à aucun endroit renouvelée et d'autre part le scénario calque le doute existentiel sur des péripéties assez peu engageantes — un weekend d'intégration en lien avec une équipe de hockey sur glace. Bof.

Très vite les enjeux se limitent à la lutte entre l'estime de soi et l'arrivisme, et Pixar / Kelsey Mann ne semblent vraiment pas faire grand-chose des sentiments refoulés, de la mémoire, de l'imaginaire, et l'histoire du système de croyance forgeant l'identité m'a paru assez confuse. Sans surprise toutes les composantes liées à la sexualité sont évacuées, et les seules vraies bonnes idées se sentent lorsqu'on lâche un peu la bride, les deux personnages foutraques que sont la banane boîte à outils et le personnage de jeu old school. L'espace de quelques secondes, une dimension foutraque des débuts ressurgit et prend le dessus sur le manuel de développement personnel qui essaie de nous inviter à accepter nos imperfections.

Homicide
6.9
563.

Homicide (1991)

1 h 40 min. Sortie : 28 août 1991. Policier

Film de David Mamet

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Il y a quelque chose d'immédiatement reconnaissable dans l'atmosphère d'un film de David Mamet, du moins dans la frange "thriller" de sa filmographie. Cette sensation d'étrangeté dans l'ambiance se retrouve dans les polars marqués 1990s (comme ici ou dans "The Spanish Prisoner") comme dans les essais les plus récents ("Redbelt", 2008), et se poursuit dans l'écriture du scénario (Mamet est sans doute scénariste avant d'être réalisateur) avec cette histoire pleine de recoins autour d'un inspecteur de brigade criminelle de Baltimore. L'avantage c'est que la narration n'est pas superficielle et qu'on est loin des abus de la partie mainstream de la production, qui oublie très souvent de se faire consistante et cohérente ; la principale limitation, c'est qu'on peut vite tomber dans le travers de celui qui veut trop en faire.

Pour l'ambiance, "Homicide" est vraiment réussi. Les tableaux nocturnes, l'ambiance au sein de la division policière et les querelles avec le FBI, les quelques missions à l'intérieur de bâtiments miteux... J'aime beaucoup cette façon, originale, de nous faire pénétrer cet univers. Les différents personnages, en soi, sont plutôt corrects aussi, entre l'inspecteur d'origine juive Joe Mantegna qui se découvre une identité au d'une affaire impliquant des actes antisémites et des actes sionistes, son collègue interprété par William H. Macy, et tout le décorum de seconds rôles incluant Ving Rhames, Rebecca Pidgeon ou encore Ricky Jay — fidèle collaborateur de Mamet visiblement.

Après en termes de gestion du contenu, je trouve que le cinéaste se perd un peu dans le portrait de son protagoniste, coincé entre deux affaires qui se connectent péniblement, une enquête sur un dealer qui semblait être sa marotte et une autre sur l'assassinat d'une vieille commerçante juive, qu'il renâcle à accepter initialement et à laquelle il prend goût très rapidement. Enfin, pas très rapidement, mais disons qu'on voit bien qu'il va se retrouver coincé dedans. Climat bizarre et séduisant sous certains aspects, puisqu’il se retrouve au milieu d'une paranoïa de la part de plusieurs communautés, sur fond de complot et d'oppression de minorités — les noirs, malmenés par la police, et les juifs, victimes d'agressions. On est en tous cas loin d’une vision idéalisée de la mixité multiculturelle, en montrant les replis identitaires à l'origine de lourds conflits. Intéressant dans son crado, pénible dans son artificialité et sa quête identitaire.

My Beautiful Broken Brain
7.1
564.

My Beautiful Broken Brain (2016)

1 h 26 min. Sortie : 18 mars 2016 ().

Documentaire TV de Lotje Sodderland

une critique.

Annotation :

En forçant un peu le trait, "My Beautiful Broken Brain" ressemble davantage à une compilation de vlogs qu'à un documentaire à proprement parler, et c'est un format qui peut exhiber certaines limitations dans la transmission du message. Mais le récit de Lotje Sodderland est suffisamment ionnant pour évoluer dans une relative indépendance du , puisque cette londonienne témoigne (à l'aide de son smartphone la plupart du temps) de son combat dès les premiers jours qui ont suivi l'AVC survenu alors qu'elle avait 34 ans, en lien avec une malformation vasculaire congénitale. Le mot "combat" n'est pas à prendre à la légère, puisque cet accident vasculaire cérébral avait opéré une sorte de reset général de ses compétences, l'obligeant à réapprendre presque tout, parler, lire et écrire.

De temps en temps le documentaire agrémente la narration d'effets visuels qui tentent de reproduire les altérations des sens de Lotje, les modifications de son champ de vision, la saturation des couleurs, cette sorte d'hyperesthésie qui rend peu ables certains sons. C'est le témoignage brut de cette femme qui véhicule le mieux l'étrangeté de son nouveau quotidien, à mesure qu'elle découvre un monde nouveau, baignant dans un flux de sensations renouvelées et inconnues. Le fait qu'elle se soit filmée dès les premiers jours après son déficit neurologique donne lieu à des séquences géniales, on a parfois l'impression troublante d'observer le comportement d'un androïde qui bugue lors d'une phase de test (un œil qui cligne, des mots qui ne viennent pas).

On balaie le spectre des perturbations, entre aphasie (perte partielle ou totale de la capacité de communiquer par le langage, en dehors de tout déficit sensoriel ou de tout dysfonctionnement de l'appareil phonatoire) et apraxie (incapacité d'exécuter des mouvements intentionnels précédemment appris malgré une volonté et une capacité motrice conservées), toujours du fait d'une lésion cérébrale. Sans qu'on sache vraiment pourquoi, David Lynch entre dans la danse — elle lit un entretient, cherche à la er au travers d'une conférence, finira par lui faire un câlin avant qu'il ne devienne producteur exécutif du film. Le film documente autant les progrès que les revers majeurs, notamment en lien avec les soins expérimentaux à base de stimulation magnétique transcrânienne, et explore cette situation folle : du jour au lendemain, elle s'est transformée en une autre personne qu'elle apprend à connaître et à dompter.

Le Chêne
6.8
565.

Le Chêne (2022)

1 h 20 min. Sortie : 23 février 2022. Nature

Documentaire de Michel Seydoux

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Sentiments contrastés en regardant ce documentaire qui n'en est pas vraiment un, d'un côté les images sont réelles et ont dû nécessiter un travail titanesque pour les collecter, et de l'autre il y a un immense travail d'écriture et de montage pour raconter une histoire dont la dimension fictionnelle ne fait aucun doute à de nombreux endroits. Ce n'est absolument pas problématique en soi, mais disons qu'il est quand même extrêmement dommage d'en arriver à ce niveau de scénarisation de la nature après s'être donné autant de mal pour assembler un tel matériau... 350 heures de rushes réparties sur je ne sais combien de mois de 2020 (la vertu des confinements, décidément), pour 9 mois de montage, c'est pas rien.

La beauté des images ne peut pas laisser indifférent, très clairement. Tout le microcosme animal et végétal contenu dans "Le Chêne" nourrit un émerveillement instantané, c'est tout mignon, et ça rappelle la découverte de ce genre de projet à l'occasion de "Microcosmos" (Laurent Charbonnier y avait contribué en tant que technicien). Il est difficile de se lasser des allées et venues de l'écureuil, du duo de geais, des péripéties des mulots, de l'odyssée des balanins / charançons, tous réunis autour de ce vieux chêne de plus de 2 siècles. Seuls les ajouts en images de synthèse pour figurer l'activité mycorhizienne en sous-sol fait tache, et pas qu'un peu. Ce côté maxi mignon véhicule la sensation qu'il s'agit d'un film à destination d'un public-cible de type "sortie familiale", comme s'il ne fallait pas choquer les enfants en montrant la nature dans ce qu'elle est vraiment — aussi jamais un être vivant n'en bouffera un autre ici, les rapaces ratent leurs proies, les serpents se pètent la gueule avant de saisir les oisillons, la grenouille ne veut pas bouffer l'insecte, les mulots survivront tous à l'inondation, etc. C'est en tous cas une vision très aseptisée de la réalité qui peut gêner, même si le programme est suffisamment tacite pour ne pas crier au mensonge.

Le corollaire, quand même, c'est que éperviers, renards et autres reptiles meurent de faim en suivant cette logique. En se concentrant sur l'esthétique, on peut malgré tout regretter que l'on prenne si peu le temps de se poser, de faire durer les plans, de laisser le rythme bourgeonner de la scène, plutôt que de l'asséner de la sorte — qui plus est avec ces musiques franchement nazes.

MaXXXine
6.2
566.

MaXXXine (2024)

1 h 43 min. Sortie : 31 juillet 2024 (). Épouvante-Horreur, Thriller

Film de Ti West

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

C'est ce troisième volet qui aura suscité le plus de déception chez moi, majoritairement du fait de la petite attente générée par les deux précédents pour lesquels je n'en avais pas encore, pas vraiment. Ti West et Mia Goth veulent très clairement monter d'un cran pour s'attaquer à Hollywood et à l'industrie qui broie les nouvelles venues : ce n'est pas pour rien que Maxine achèvera un homme en haut de la célèbre colline... Malheureusement on quitte de ce fait le territoire de la série B bien faite et originale pour sombrer dans plusieurs travers, la production plus conséquente qui montre ses moyens augmentés en même temps que ses défauts moins acceptables.

Quelqu'un de mesquin pourrait écarter "MaXXXine" du revers de la main en pointant la dimension répétitive, lourdingue et poussive de son message — le mantra de l'héroïne, "I will not accept a life I did not deserve" et autres "I'm gonna be a star", finit par être franchement inable. Le poids des références commence aussi à faire flancher la charpente fébrile : Hitchcock (Psycho), De Palma (Body Double), Polanski (Chinatown), ça fait vite beaucoup de citations directes ou indirectes, sans parler de la bande originale à base de ZZ Top, Frankie Goes To Hollywood et Kim Carnes... On est en manque patent d'originalité, puisque tout ce qui a trait à l'ambiance rétro en hommage aux années 80 a déjà été vue dans les épisodes précédents.

Le film vire même au grotesque, je ne sais pas si c'est volontaire, mais il y a d'abord Kevin Bacon (pas ouf) qui peut satisfaire dans certains élans excessifs (l'épisode de la voiture ée à la casse est mémorable), mais alors dès que le personnage du père entre en jeu c'est le début de la fin à mes yeux (la séquence d'exorcisme final semble tirée d'une vieille bisserie immonde et ridicule, avec du "divine intervention" en veux-tu en voilà). Les symboles pourquoi pas, un bad guy déguisé en Buster Keaton, un broyage de testicouilles à coups de talons, des multiples objets rappelant le giallo, mais au même titre que le festin visuel rétro, la pulvérisation du patriarcat oppresseur et le crépuscule d'une ère libertaire au sein du sinistre Hollywood ne s'avèrent pas aussi jubilatoires que prévus.

La citation de Bette Davis "In this industry, until you’re known as a monster you’re not a star" est en tous cas respectée.

Les Quatre Filles du docteur March
6.6
567.

Les Quatre Filles du docteur March (1933)

Little Women

1 h 55 min. Sortie : 4 mai 1934 (). Comédie dramatique

Film de George Cukor

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

Eh ben décidément, les adaptations du livre de Louisa May Alcott, ça ne e pas chez moi. Après avoir testé chez Mervyn LeRoy (celle qui e le mieux pour l'instant) et chez Greta Gerwig, je me suis risqué à la première adaptation au format long concoctée par George Cukor et la déconvenue fut de taille. Sans doute que le fait que je commence à bien connaître le contenu joue sur ma capacité à apprécier ce récit, étant donnée la chronologie des visionnages personnels. Mais disons que si le matériau principal me plaisait sincèrement, il ne fait aucun doute que j'adhèrerais sur le principe à des variations confectionnées tout autour.

Il y a tellement de choses qui grincent... Déjà on me vend le tableau d'une maison pendant la guerre de Sécession avec ce qui est censé être 4 adolescentes, et plaf, on essaie de me faire croire que Katharine Hepburn (26 ans) et Joan Bennett (23 ans), entre autres, pourraient faire l'affaire. Ça e pas du tout et ça confère à l'ensemble une dimension franchement ridicule. Indépendamment de ces basses considérations de casting, c'est toujours la même rengaine (forcément, c'est encore "Les Quatre Filles du docteur March"), les mêmes filles bien éduquées qui aiment profondément leurs parents, chacune ayant sa petite valise de particularités bien marquées — quelque chose qui erait sans problème à l'écrit, mais au cinéma c'est une horreur de catalogue. Ces histoires de chagrins amoureux, de rêves de mariage, et de drames funèbres me laissent intensément et invariablement froid. Il est impossible pour moi de faire bourgeonner quoi que ce soit de consistant, de conséquent, ou tout simplement d'intéressant sur ce substrat.

Knock Knock
4.8
568.

Knock Knock (2015)

1 h 39 min. Sortie : 23 septembre 2015. Thriller

Film de Eli Roth

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Eli Roth avait les moyens de faire un thriller horrifique de home invasion pas trop mauvais : Keanu Reeves en caricature d'architecte bourgeois de bonne famille, Ana de Armas (et Lorenza Izzo, la femme de Roth) à ses débuts au premier plan d'un long-métrage, et en ligne de mire une satire sociale avec tous les ingrédients pour produire quelque chose de pertinent. Mais non, Roth est comme un gamin à qui on présente trop de nouveaux jouets à la fois, il ne sait pas où donner de la tête et se perd entre de trop multiples cibles.

"Knock Knock" est un film vraiment con, au sens où il aurait pu être un bon thriller psychologique, il aurait pu être un bon délire horrifique régressif, il aurait pu être une bonne satire des milieux arty fortunés... Mais rien de tout cela : Roth mélange tous les ingrédients pour former une bouillie infâme, informe, et puissamment indigeste.

On peut formuler beaucoup d'hypothèse sur la nature de ce qu'on vient de regarder.
Dans le cas où ce serait un pamphlet féministe, il y a de quoi être sidéré par la pauvreté des enjeux et la faiblesse du discours, tant la morale brille par sa bêtise, son côté fallacieux, et sa grossièreté sans borne — rappelons que les deux vraies-fausses nymphomanes accusent papa Reeves d'immoralité conjugale alors qu'elles le draguent frontalement pendant trois plombes pour finir par le coincer dans la salle de bain en terminant leurs avances en totale nudité. C'est complètement débile.
Dans le cas où ce serait un pamphlet sur les dérives d'un féminisme excessif, même chose, le regard est extrêmement limité et se cantonne aux agissements extrêmes de deux grosses tarées psychopathes.
Dans le cas où ce serait un home invasion pur jus, les signaux parasites sont légion et on se retrouve partagé entre la dimension prévisible de toutes les péripéties qu'on voit venir longtemps avant et un ennui poli mais tenace.
Dans le cas où ce serait simplement un gros délire de sale gosse, les curseurs sont loin d'être poussés assez loin.

Bref, quelle que soit la position adoptée, le film se plante. On en reste à un tableau caricatural de famille supposément parfaite (dont les critères seraient intéressants à analyser d'ailleurs) qu'on se plaît à pourrir. Les meilleurs moments se trouvent loin des tentatives d'ambiguïté, dans les ages d'une cruelle ironie comme le final sur réseau social. Mais la potacherie est bien faible.

Leaving Las Vegas
7.3
569.

Leaving Las Vegas (1995)

1 h 51 min. Sortie : 20 mars 1996 (). Drame, Romance

Film de Mike Figgis

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

[ Revu ]

Un des films de mon adolescence (ma naissance cinéphile disons) que je tenais à l'époque en grande estime et dont j'étais persuadé qu'il ne s'agissait que d'une imposture, rétrospectivement, d'un souvenir vague concernant un film générationnel (les années 90) qui ne tiendrait absolument pas un nouveau regard... Micro-surprise, donc, de constater que "Leaving Las Vegas" n'est ni un très bon film dont la réputation serait amplement justifiée, ni un très mauvais film dont la réputation serait surfaite.

Une des choses les plus troublantes, les plus importantes, les plus mémorables, c'est que Nicolas Cage (je fais une petite fixette sur l'acteur en ce moment apparemment, si j'en juge l'anormale concentration en films dans lesquels il joue ces derniers temps) a l'air plus vieux dans ce film que dans toutes les productions récentes. Même si l'en fait beaucoup, même si c'est effectivement un "rôle à oscar", son interprétation d'un alcoolique profond n'est pas à côté de la plaque, et c'est sans doute à mettre au crédit de la mise en scène qui parvient à faire du duo, formé avec Elisabeth Shue dans le rôle d'une prostituée le soutenant, un argument non-négligeable. Mike Figgis n'avance pas vraiment de manière subtile ou cachée, mais disons qu'en termes de drame romantique amoral qui ne cherche pas à afficher son amoralité, il ne s’en sort pas trop mal. La beauté du film réside dans sa capacité à faire de Las Vegas un potentiel cimetière à déchet humain, Cage interprétant un homme abandonné de tous et au bout de la décrépitude.

Le pacte de non-interférence signé tacitement entre les deux est bien foutu, d'une part dans l'originalité de la démarche (on accepte les déviances mutuelles) et d'autre part dans les failles qu'il présente (Shue craque à quelques moments, et c'est bien légitime). C'est bien sûr un peu trop lourdement appuyé en matière de comportement autodestructeur, quelques seconds rôles sont ratés (Julian Sands en proxénète letton, c'est non / petite mention pour Xander Berkeley dans un tout petit rôle de taxi), la petite ritournelle jazz signée Sting finit par taper sur le système, mais la petite ambiance démissionnaire teintée de résignation reste surprenante. À noter que l'auteur du roman à l'origine du film, John O'Brien, qui s'était inspiré de sa propre expérience de scénariste alcoolique pour écrire, se suicidera deux semaines après avoir vendu les droits d'adaptation, histoire de pousser un cran plus loin la mise en abîme.

570.

My Old School (2022)

1 h 44 min. Portrait, Animation

Documentaire de Jono McLeod

une critique.

Annotation :

La beauté de "My Old School" tient à la façon dont le secret du jeune Brandon Lee, étudiant de 16 ans de la très bourgeoise Bearsden Academy (près de Glasgow, en Écosse) dans les années 1990, est révélé. Le mieux est d'en savoir le moins, c'est essentiel.

Le cinéaste Jono McLeod dont c'est le premier documentaire a été un camarade de classe de Brandon, et dévoile les unes après les autres les nombreuses pages d'un récit farci de mystères et de révélations qui gravitent autour d'un imposteur notoire. L'agilité avec laquelle les éléments successifs sont révélés, mis en doute, confirmés ou réfutés, est vraiment brillante et participe activement à l'entretien d'un voile opaque sur la réalité des événements. En marge de ça, le principal intéressé a accepté de témoigner pour l'occasion mais sans jamais apparaître à l'écran — sa voix est synchronisée avec les lèvres d'un acteur professionnel, Alan Cumming, histoire de favoriser l'immersion au sein des nombreux témoignages. Il faut dire que McLeod a réuni beaucoup d'anciens camarades pour former ce discours collectif qui avance de concert, péniblement (étant donné la nature obscure du sujet), avec des avis souvent différents et des micro-révélations très drôles à suivre.

L'histoire est géniale : Brandon, le petit nouveau au look étrange d'origine canadienne et portant le même nom-prénom que le fils de Bruce Lee récemment décédé sur le tournage de "The Crow", débarque dans cette école suite à la mort de sa mère (chanteuse d'opéra) et devient rapidement le premier de la classe. Tout le monde le trouve étrange, mais cela ne l'empêche pas de décrocher le rôle principal de la comédie musicale et de se faire des amis. Mais absolument tout ce qu'il raconte au sujet de son identité s'avèrera faux, et l'ampleur de la supercherie prendra des proportions proprement inimaginables.

Pour placer le contexte et préciser l'évolution de l'état des connaissances au fil des révélations, "My Old School" a recours à différents modes narratifs plutôt agréables, des entretiens avec les anciens camarades / professeurs, des images d'archives, et des séquences animées dans un style à la "Daria". La réalisation s'amuse beaucoup à confronter les souvenirs de tous les intervenants à la réalité, dès que la chose se révèle possible, donnant lieux à des sortes de dissonances cognitives plutôt drôles, révélant la fragilité de nos souvenirs. Sujet, narration et résolution en tous cas très intrigants.

Morrinson

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