Au risque d'être banal, je dirais que je n'en reviens pas à mon tour de cette incompréhensible et interminable seconde partie, certes parcourue de splendides séquences (tel le départ d'une mourante, et un trajet mortuaire à travers un hôpital peu concerné). Des bonnes idées, de grandes idées, mais trop d'idées... Et une exécution qui n'est soudain plus à leur hauteur... Une déviation vers une certaine mégalomanie, peut-être... Un grand final qui devrait être grandiose, et qui est presque anecdotique lorsqu'il ne flirte pas avec la laideur (un kitsch daté?).
Faut-il pardonner Bob Fosse comme nombreux se sentent obligés de pardonner son double sur pellicule Joe Gideon, inable tornade de créativité à l'ambition pantagruélique, génie torturé, écorché et suicidaire derrière lequel les autres n'ont le choix que de courir ou de fuir ? Cette surabondance finit malheureusement par alourdir la folie initiale, trop éprouvante, trop longue, comme ne sachant plus sur quel pied danser, multipliant les revirements inutiles.
J'en ai presque enragé, au sortir d'un tel feu d'artifices qui occupe plus de la première heure du film. Quel brillant je m'en-foutisme, quelle liberté débordante, quelle inspiration ! Tac, une scène on ne sait où, (un théâtre ? l'au-delà ? un cabaret ? une âme?), vlan une déambulation dans une rue bondée, et tchaf trois extraits de danse, boum des gueulantes, des parties fines, des numéros survoltés, un montage ahurissant (dans une mise en abîme savoureuse avec le travail de l'artiste Gideon), des coeurs brisés, des regrets, et Ta-là-là ta-la-là on embarque à bord d'un Concerto de Vivaldi inlassablement répété. "It's Showtime, Folks!" La vie est un cabaret, chantait Bob Fosse-Minelli quelque temps plus tôt.
Voici qu'on le touche, l'incroyable Cabaret de la vie aux numéros dingues ou pathétiques, haletants, épuisants, voici les aléas de la vie transposés, une inaccessible étoile ce rêve absolu auquel on sacrifie tant (ou auquel on voudrait tant sacrifier sans y parvenir) et qui semble glisser toujours plus avant, filer sous nos doigts pour mourir sous les feux de la rampe (quelle que soit la rampe qu'on ait choisie. La rampe de la scène n'étant ici que celle du créateur chorégraphe, se livrant personnellement au travers de Gideon).
J'ai été hypnotisé par ce premier versant de comédie musicale, pourtant un genre que je n'apprécie guère, y retrouvant trop rarement le talent illustre de celui qui transcenda la chose (Gideon Fosse) et peu sensible à la danse.
Jusqu'à ce que l'édifice se fissure, et s'affaisse avec ma patience.
Tout cela vaut le détour et le risque (beaucoup ne partagent pas cette déception), il faut bien le dire. Ce n'est pas tous les jours que le cinéma s'envole.