Le lieu de l'ennui
Malgré un début un peu tendu on devine rapidement que l'aspect thriller de l'histoire n'intéresse pas des masses André Téchiné qui préfère se focaliser sur la relation entre les personnages...
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le 27 mars 2024
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En 1981, le cinéma de Téchiné (Rendez-vous est un bal assassin, ivre de ses tourments ; Le Lieu du crime une aventure d'un romantisme exacerbé. Avec des tendances glauques, mais du glauque tranquille, celles d'un Almodovar français. C'est aussi un film sur la création d'une identité, de défis, d'une histoire, pour un garçon malade de ne pas faire entendre sa voix et de se sentir de trop.
À quatorze ans, Thomas est en plein décrochage, le premier perçu par tous étant scolaire. L'éloignement de papa amplifie la donne ; en même temps il est déjà bien trop tard pour un rapprochement, d'ailleurs ce père interprété par Victor Lanoux débite en effet une majorité de « conneries » insipides. Sa famille est aisée mais éclatée, ses parents séparés ; sa mère (Lili/Deneuve) a tourné le dos à la vie et s'en remet, plus par devoir et par défaut que par conviction, mais pourtant avec soin, à l'éducation de son fils. Au fond elle reste absorbée par sa propre mélancolie et fait porter ce double poids sur l'enfant : il n'est coupable de rien, mais c'est comme s'il avait grignoté son bonheur. Thomas revendique une vérité émotionnelle, la sienne et celle de son entourage ; parce que personne ne le relève ni ne l'entend, parce que l'insolence et les démonstrations sont vaines, il trouve le salut dans l'imagination et la déformation. De cette manière il gagne un renfort, accède à l'évasion, entre dans la vie avec violence.
Cette émancipation sauvage le dée bien vite et il se retrouve emporté par des courants et des dangers qu'il se contentait sûrement peu de temps auparavant de rêver sans s'y accrocher. Cette fougue emporte aussi sa mère ; c'est à ce moment, où son fardeau chéri ne tient plus en place, qu'elle cède aux appels de la ion. Prête à tout même à compromettre son rôle de mère, elle considère pourtant encore son fils comme la seule bouée pour laquelle elle ait de l'estime et se sente une dette, un attachement positif. Finalement la folie de maman mène à l'équilibre de Thomas, le force à mettre de la raison dans ses errances et ses courses à l'extase. Entretenant elle-même un rapport décalé à sa propre mère (garante de la vertu et d'un certain 'allant', interprétée par Danielle Darrieux), elle s'éprend d'un perdu quitte à tout cramer, se jette dans tous les pièges avec assurance. Jusqu'à trouver la sérénité, comme une madone revêche, comblée par sa destinée tragique, rassasiée par ses sacrifices et ses foucades scabreuses.
Avec ce film Téchiné semble dire beaucoup sur sa vie intérieure et ses obsessions les plus absurdes, rebelles à la mise en boîte, intuitives et racontables plus que définissables. Le tournage est d'ailleurs une occasion de revenir dans le sud-Ouest de la , où il a é toute la première partie de son existence. Rétrospectivement ce Lieu du crime apparaîtra comme une espèce de source, mais pas tant sur des questions de style (comme le sont Les roseaux sauvages (en partie autobiographique) apparaît comme un correctif, la prise de conscience globale, plus terrienne et 'honnête', suivant le relatif délire. Ces considérations mises à part, Le Lieu du crime reste un voyage insolite et "plein", dégoulinant d'une sorte d'auto-indulgence triomphante. Les tensions y sont si extrêmes qu'elles n'ont jamais besoin d'être nommées (la façon dont Thomas poursuit ses oppresseurs et ses sauveurs est éloquente).
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Créée
le 15 déc. 2015
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