Adam Bell (Jake Gyllenhaal) est un professeur d’université introverti. Le jour où il voit, dans un film conseillé par un collègue, un acteur, Anthony Claire (Jake Gyllenhaal), qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, il décide de tout faire pour rencontrer cet acteur.
Jake Gyllenhaal aime les films bizarres, il nous l’a prouvé avec Donnie Darko, film abscons s’il en est. Pourtant, l’intérêt de ce film résidait dans un Jake Gyllenhaal au jeu parfait, des personnages attachants et une ambiance fascinante, voire – osons le mot – poétique. Ce qui en reste, dans Enemy, c’est la prestation de Gyllenhaal, quoiqu’il n’atteigne pas son degré d’excellence de Donnie Darko.
Pour les personnages attachants, on reera, Villeneuve préférant nous les montrer faire l’amour sous tous les angles plutôt que leur donner une vraie personnalité. De même, en fait d’ambiance, on trouvera simplement une photographie jaunâtre que les amateurs de Fincher apprécieront, mais que les amateurs de cinéma trouveront sans saveur. La musique envahissante de Danny Bensi et Saunder Jurriaans n'aide pas à rentrer davantage dans l'ambiance, se situant quelque part entre Schoenberg et Boulez, c'est-à-dire qu'on y cherchera vainement une quelconque forme de musicalité.
J'ai bien compris que derrière ce scénario abscons se cachait une intrigue psychologique dont on parviendra (ou pas) à faire ressortir les tenants et les aboutissants en décortiquant chaque plan et chaque séquence du film. Mais pour qu’on en ait envie, il aurait fallu autre chose que des personnages dont la conduite se caractérise par une constance dans l’irrationalité qui force l’iration. A aucun moment, on n’aura l’impression de voir agir des êtres humains… ce qui est par ailleurs assez normal, puisqu’il s’avèrera
que la moitié des personnages présentés ici (c’est-à-dire deux, en fait) ne sont rien d’autre que des projections fantasmées du subconscient d’Adam.
Cela n’excuse qu’à moitié l’inhumanité qui caractérise, redisons-le, l’ensemble des personnages. D’autant que, malgré tous les efforts (pas toujours vains, il est vrai) de Villeneuve pour donner un intérêt à ce retournement, il reste très convenu et il faudrait avoir ou bien un sacré culot ou bien une inexpérience cinématographique avancée pour y voir de l’originalité.
Reste un puzzle impressionnant, bâti de manière plutôt intelligente, que Villeneuve laisse au spectateur le soin d’assembler afin de comprendre le fin mot de l’histoire. Le problème, c’est qu’on s’en fout.