Les sombres feux de l'artifice

Il faut un certain temps pour se rendre compte que Black Coal, comme son titre nous l’indiquait pourtant, est avant tout une nouvelle déclinaison sur le film noir. Femme victime pouvant s’avérer fatale, flic déchu et alcoolique mélangeant solitude, ion et enquête pour tenter de maintenir un semblant de sens à son existence, et tableau désenchanté d’une société crasseuse et sans espoir.
Diao Yinan, puisqu’il est dans la référence, prend le parti d’une esthétique assez hétérogène. Si le code du film noir semble respecté, instaurant une enquête somme toute assez classique (et à rallonge un peu superfétatoire sur la fin) et une atmosphère au suspense plutôt efficace, c’est surtout dans les à-côtés qu’il surprend. L’intrusion du grotesque par les ratés du protagoniste, les changements d’atmosphère et de plastique en fonction des univers jalonnent un film comme un parcours étonnant où l’on peut plus prévoir la direction prise. La scène de fusillade dans le salon de coiffure, abrupte et acidulée comme un bonbon au poivre, en est l’archétype : séduisante, violente et poétique.
L’hétérogénéité ne fonctionne pas pour autant sur toute la longueur du film qui de fait parait assez interminable, ne cessant de doubler d’une séquence conclusive une autre qui la prolonge.
Ce qui pèche dans le récit semble donc équilibré par la mise en scène, souvent impeccable, et assez fascinante. Là aussi, pas de ligne de conduite. L’un des premiers plans où la caméra tourne sur elle-même, prenant le point de vue du charbon déversé d’une benne de camion, laissait présager des effets gratuits. Il n’en est rien. Les séquences de patinage sur un Beau Danuble Bleu à la sauce synthé, les plans urbains sont d’une grande maîtrise.
Et surtout, le film vaut par une séquence époustouflante, plan séquence sous un tunnel qui, dans une double révolution à 360°, permet une ellipse de 5 ans. Virtuose, mystérieuse, cette scène révèle les trésors cachés d’un film qui, sous les coutures d’un récit un peu brouillon, recèle une forme souvent fascinante.
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le 15 juil. 2014

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Sergent_Pepper

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